Début 2016, une vague d’intoxications chez des adultes, mais surtout des enfants de la ville de Flint avait choqué les États-Unis. Dans cette commune de 125 000 habitants du Michigan, située au Nord-Est du pays, un changement d’approvisionnement en eau avait été pointé du doigt par les habitants et des chercheurs.
Une étude réalisée à l’université du Michigan vient de confirmer l’origine pressentie du problème. En analysant les canalisations en plomb, les scientifiques ont observé leur état de dégradation : la couche de plomb qui les recouvrait ressemble désormais à « du gruyère », selon leurs propres mots. Et c’est bien l’eau de la rivière locale qui a causé ces dommages.
Une eau corrosive
Le vieillissement de canalisations en plomb s’accompagne naturellement d’une oxydation, qui n’est pas nécessairement dangereuse mais doit être maîtrisée, notamment grâce au traitement de l’eau. Le changement d’approvisionnement a tout changé à Flint.
La composition de l’eau puisée dans la rivière, polluée, la rend bien plus corrosive. Les responsables de l’usine locale de General Motors avaient même décidé de ne plus s’approvisionner avec cette eau qui abîmait ses pièces de voiture.
Après le changement d’approvisionnement, ce sont des morceaux entiers de plomb qui ont été arrachés des tuyaux, au lieu des quelques atomes oxydés charriés en temps normal. « C’est comme ce qu’il se passe lorsqu’on place des centimes dans un verre de Coca, explique Terese Olson, chercheuse en ingénierie civile et environnementale à l’université du Michigan, qui a dirigé les investigations. L’acide du Coca dissout rapidement l’oxyde de cuivre. »
État des canalisations en plomb à Flint (Crédits : Terese Olson)
Un risque toujours présent
« Si nous faisons la moyenne de libération sur l’intégralité de la période pendant laquelle Flint a reçu cette eau de rivière, nous avons estimé la concentration à plus de deux fois la limite de l’EPA (l’Agence gouvernementale américaine de protection de l’environnement, ndlr) », ajoute-t-elle.
Et, malheureusement pour les habitants de Flint, certaines maisons pourraient encore être contaminées. Si l’essentiel des particules de plomb a déjà été consommé ou rejeté dans les égouts, « une partie pourrait toujours être stockée dans les maisons », d’après la chercheuse.
Les maisons dont les canalisations sont composées d’acier galvanisé sont particulièrement à risque. Ce matériau agit comme une éponge à plomb. Une fois gorgé, les tuyaux continuent à relâcher régulièrement le matériau toxique, et pendant longtemps. « Il y a un risque qu’une partie de ce plomb soit dangereux, même après le changement des canalisations du service de distribution municipal », s’inquiète Terese Olson.
Les enfants très exposés
La contamination au plomb est particulièrement dangereuse. Dès 2015, plusieurs habitants de Flint se sont plaints de vomissements et de perte de cheveux. Mais c’est chez les enfants qu’elle a le plus de conséquences néfastes. Elle induit des retards de développement, physique et mental, des troubles de l’attention, de la reproduction, mais aussi des atteintes au niveau des reins, du système digestif, des faiblesses musculaires, une perte auditive ou encore de l’hypertension.
Le Dr Mona Hanna-Attisha, pédiatre à l’hôpital public de Flint, avait organisé une conférence en septembre 2016. Elle a comparé le taux de plomb chez ses patients, avant et après le changement d’approvisionnement en eau. Résultat : le nombre d’enfants intoxiqués a doublé, voire triplé dans certains quartiers. Au même moment, des chercheurs de Virginia Tech ont montré que l’eau contenait un taux de plomb 900 fois plus élevé que le seuil admis.
Économies de bout de chandelle
Le remplacement de l’eau traitée, en provenance de la ville de Détroit, par l’eau directement pompée dans la rivière locale, avait été décidé par le Gouverneur du Michigan, pour redresser les finances de la ville de Flint, alors dans le rouge.
Face à l’évidente contamination par cette eau jaunâtre et toxique, les habitants avaient réagi. Le gouverneur avait finalement présenté ses excuses en janvier 2016 d’avoir pris cette décision, et déclaré l’urgence sanitaire, sous la pression de Barack Obama.
Ironie de la situation : la décision initiale, prise pour des raisons économiques, va coûter cher en matière de santé publique, mais pas seulement. Le remplacement des infrastructures pourrait revenir à 1,5 milliards de dollars…