Le paludisme vient de prendre un coup de vieux. Et l’histoire un sacré coup de pinceau. D’après une étude menée en Suisse et publiée dans Physical Anthropology, le paludisme était déjà endémique à l’époque de l’empire romain. En Sardaigne, plus particulièrement, le parasite serait apparu il y a plus de 2 000 ans. Une découverte permise par l’analyse des restes humains de l’époque.
Les chercheurs de l’université de Zurich (Suisse) se sont penchés sur les corps de 19 Sardes retrouvés dans des nécropoles romaines et puniques. Mais l’ADN du Plasmodium falciparum, le parasite à l’origine du paludisme, est difficile à retrouver après tant d’années d’exposition aux éléments.
Une maladie répandue
Les Suisses se sont donc intéressés aux signes indirects de la présence du paludisme. Plus précisément à la thalassémie, une maladie génétique qui se caractérise par une production insuffisante d’hémoglobine. Les patients vivent généralement en bonne santé mais constituent de mauvais hôtes pour le Plasmodium falciparum, et sont donc moins touchés par le parasite.
La sélection naturelle a favorisé les personnes ainsi protégées, et sans surprise, dans les régions les plus touchées par le paludisme, la thalassémie est plus fréquente. En Sardaigne, 11 à 21 % de la population en souffrent. Et les chercheurs ont retrouvé des traces de cette pathologie chez les Sardes qui ont vécu à l’époque de la Rome antique.
Cet élément remet en question toute l’histoire du paludisme dans la région. Car jusqu’ici, les historiens avaient estimé que la maladie n’avait pas atteint un niveau endémique avant le Moyen-Âge. Le parasite aurait en fait été introduit beaucoup plus tôt qu’estimé. Sans cela, la bêta-thalassémie n’aurait pas été aussi répandue.
200 millions de cas par an
« Il s’agit du tout premier cas signalé d’adaptation génétique au paludisme en Sardaigne, souligne Claudia Vigano, co-auteur de l’étude. Nous avons aussi découvert que cette personne était génétiquement sarde et ne provenait pas d’une autre région. »
Cette observation est d’autant plus étonnante qu’il a fallu attendre les années 1940 avant qu’une campagne d’éradication des moustiques vecteurs ne soit lancée. Ce n’est finalement qu’en 1951 que la Sardaigne a été définitivement débarrassée du paludisme, grâce à l’intervention des forces armées américaines. Une pulvérisation intensive de DDT a été nécessaire pour y parvenir.
Si le paludisme n’est désormais qu’un mauvais souvenir pour la Sardaigne et l’île voisine de la Corse, ça n’est pas le cas ailleurs. En 2015, plus de 200 millions de personnes ont été infectées par le parasite. 429 000 décès sont survenus la même année. L’Organisation mondiale de la santé estime que la moitié de la population dans le monde est exposée à la maladie. Or, les traitements manquent parfois, et la résistance à ceux-ci menace.