Plus de 2 milliards de personnes sont en surpoids sur la planète. Et pourtant, elles continuent de faire les frais des idées reçues. Quand le corps médical s’y met, les conséquences peuvent être dramatiques.
Sur le plan physique comme psychologique, les obèses s’en sortent moins bien. Une chercheuse du Connecticut College (Etats-Unis) l’a rappelé à l’occasion du Congrès annuel de l’Association américaine de psychologie (APA), qui se tient du 3 au 6 août à Washington (Etats-Unis).
Deux poids, deux mesures
Pour une personne souffrant d’obésité, le parcours médical est semé d’obstacles. Le premier apparaît en consultation. Face aux plaintes d’un patient, les médecins font une différence selon le tour de taille. Comme l’explique Joan Chrisler, auteure de cette présentation, l’oreille du praticien se fait moins attentive en présence d’un surpoids, souvent désigné par défaut comme la cause des symptômes.
« Des travaux ont montré que les médecins recommandent systématiquement à leurs patients obèses de perdre du poids, alors qu’ils prescrivent des examens d’imagerie, des tests sanguins ou de la kinésithérapie aux patients de poids normal », résume la chercheuse.
A ces propos catégoriques s’ajoute une attitude désapprobatrice. Une grimace de dégoût, un sifflement désapprobateur ou un hochement de tête passent rarement inaperçus. « Les patients peuvent remarquer des attitudes implicites et les vivre comme des micro-agressions », confirme Joan Chrisler. Ce qui provoque stress et détresse psychologique. Sans surprise, les personnes obèses sont 50 % plus à risque de dépression que les autres.
Les cabinets désertés
Et la santé physique pâtit elle aussi de cette attitude désapprobatrice. Outre l’errance diagnostique, les propos critiques occasionnent une désertification des cabinets médicaux. Un phénomène dont témoigne bien Gabrielle Deydier, auteur de On ne naît pas grosse (éditions Goutte d’or). Elle-même obèse, la journaliste explique avoir évité les consultations médicales après plusieurs expériences négatives.
Ces attitudes vécues comme un manque de respect et une grossophobie médicale ne sont pas toujours mal intentionnées. Mais leurs effets sont contre-productifs. « C’est une source de stress et cela peut pousser les patients à retarder leurs rendez-vous médicaux ou à éviter toute interaction avec les soignants », abonde Joan Chrisler.
Résultat, les personnes obèses évoluent sans suivi régulier… et leur santé s’en ressent. D’après une étude basée sur les autopsies de 300 personnes en surcharge pondérale, elles sont 65 % plus à risque de vivre avec une maladie non diagnostiquée, comme un cancer ou une endocardite.
Changer d’approche
Pour ne pas arranger la situation, la recherche médicale elle-même exclut les personnes obèses des protocoles de recherche. Une approche qui n’est pas justifiée, aux yeux de la chercheuse. Par conséquent, les posologies ne sont pas appropriées aux personnes en surcharge pondérale, ce qui provoque un sous-dosage. Pour certaines molécules, l’effet peut être encore plus pernicieux.
Le traitement de l’acné isotrétinoïne (Roaccutane, Curacné), par exemple, est stocké dans le tissu adipeux sous-cutané et libéré progressivement. Un fonctionnement qui peut être perturbé par un surpoids.
Un changement d’attitude est donc nécessaire. Joan Chrisler appelle les soignants à ne plus considérer le surpoids comme une maladie qui n’est guérie que par un régime, à tenir compte du contexte. Et surtout, à adapter la prise en charge aux attentes du malade.