À 67 ans, après 35 ans d'une carrière bien remplie et quelques problèmes de santé, le Dr Patrick Laine, médecin généraliste en Haute-Saône, souhaite se retirer. Mais, bien qu’exerçant en libéral et pouvant administrativement prendre sa retraite depuis deux ans, il doit continuer.
Le médecin ne trouve pas de remplaçant, et ne parvient pas à se résoudre à abandonner ses patients. Il exerce en effet dans le petit village de Saulnot, 800 habitants, et fait des tournées dans la campagne environnante. « L’idée d’abandonner ainsi mes patients m’est insupportable », explique-t-il au Parisien.
L’appartement en bonus
Il a pourtant tout essayé. Les annonces, l’Ordre des médecins, la mairie, l’Agence régionale de santé, et même une entreprise de chasseurs de têtes. Début 2016, il avait même rédigé une annonce sur le site de vente entre particuliers Leboncoin. Et il ne s’agissait pas de vendre son cabinet, mais de le céder. Tout était gratuit : patientèle, bien sûr, mais aussi mobilier, ordinateur, stéthoscope, armoires, pèse-personne…
L’annonce avait fait grand bruit dans la presse, mais 17 mois après, toujours rien… « J'ai été dépassé par le buzz, rien d'autre, regrette-t-il. J'ai eu deux appels de médecins étrangers, mais il leur fallait trois ans pour obtenir une équivalence. Sinon, il y a eu zéro candidat ! Nous sommes dans un fossé ».
Entre temps, le médecin a été victime d’un petit accident cardiovasculaire, et a dû se faire opérer d’une hernie discale, renforçant sa volonté de prendre sa retraite au plus tôt. Mais pas avant d’avoir trouvé un remplaçant. Pour terminer de convaincre, il propose, en plus du cabinet… Un appartement ! Il le met à disposition. « Mon, ou ma, remplaçant(e) n’a plus qu’à emmener sa valise ».
Tester pour aimer
La galère du Dr Laine n’est pas un cas isolé. Dans ces zones faiblement médicalisées, d’autres médecins partent en retraite et « abandonnent » leurs patients avec moins de scrupules. Ou peut-être seulement plus de regrets. Les candidats à la reprise ne sont pas légion.
L’exercice dans ces campagnes s’accompagne de contraintes, reconnait le médecin. Mais ces contraintes ne semblent pas avoir diminué son amour pour le métier. Il incite les jeunes diplômés à venir tenter l’expérience. « Mais on leur a transmis l’idée que la médecine générale était un parent pauvre, poursuit-il dans le quotidien francilien. Pour les attirer, il faut élargir les possibilités des médecins de campagne aux frottis, aux infiltrations légères… Qu’ils ne soient pas dans une routine saisonnière ».
Il pense même que l’instauration de contraintes d’installation pour les jeunes médecins pourrait être bénéfique. « Pourquoi pas tester l’obligation pendant un an ? Après avoir vécu l’expérience, il y a bien un jeune qui aura envie de rester », estime-t-il.
Une situation préoccupante
La ministre de la Santé s’y oppose, mais prépare pour septembre un grand plan pour lutter contre les déserts médicaux, de plus en plus étendus, et qui mettent en danger certaines populations de plus en plus isolées, médicalement. Agnès Buzyn compte mettre l’accent sur les maisons de santé pluridisciplinaires, en augmentant leur nombre et en accordant des primes au personnel médical qui y exerce.
Elle souhaite également agir sur d’autres leviers : le développement des stages en ambulatoire, l’exercice médical mixte ou encore la télémédecine, qui permettraient à eux trois de soulager l’activité des médecins de campagne.
En attendant, le généraliste pose sa dernière carte. De manière assez paradoxale, pour pouvoir prendre sa retraite, il va retourner sur les bancs de l’école. À la rentrée, il suivra en effet une formation pour pouvoir accueillir des stagiaires dans son cabinet, et ainsi former des jeunes médecins en devenir. Et, il l’espère, susciter des vocations.