Trois médecins, quatre infirmières, trois employés d’un hôpital et deux « commerciaux » arrêtés. C’est le bilan de l’opération menée par le ministère de l’Intérieur égyptien pour faire tomber un réseau local de trafic d’organes.
Le ministère a annoncé ce mardi avoir arrêté une partie des trafiquants en pleine opération, destinée à « prélever un rein et une partie du foie, dans un hôpital privé ». Les trafiquants ont été arrêtés à Gizeh, au sud du Caire. Le réseau mettait en relation des donneurs, et leurs organes, avec des patients étrangers, « en échange d’importantes sommes d’argent ».
Lanceur s’alerte
L’opération a été organisée alors que la polémique enfle au pays des Pharaons. Le reportage d’un allemand, Thilo Mischke, publié cet été sur Facebook, est en effet accablant : le journaliste y met en lumière la facilité avec laquelle il est possible de trouver un organe, et de se faire opérer.
Il s’est fait passer pour un touriste cherchant de l’aide pour son père. Le directeur de l’hôpital privé dans lequel il s’est rendu, après lui avoir expliqué le contexte légal du don d’organes en Egypte et les obstacles pour les étrangers, finit par lui avouer qu’il n’y aurait finalement aucun problème à contourner les règles.
Le gouvernement préfère la discrétion
L’Égypte a pourtant fait passer une loi en 2010, interdisant le commerce des organes et la transplantation entre ses citoyens et étrangers (sauf pour les couples mariés).
En décembre dernier, le gouvernement avait déjà frappé un grand coup en démantelant un réseau de 25 personnes, dont des sommités médicales et universitaires.
Mais après la diffusion du reportage allemand, il s’était indigné des accusations du journaliste, en estimant publiquement qu’il stigmatisait le pays. Le ministre de la Santé avait même déclaré, il a de cela quelques jours à peine, que la vidéo « nuisait au tourisme médical égyptien, et faisait partie d’une campagne de dénigrement systématique qui nuit à la sécurité nationale du pays (sic) ».
Les réfugiés en première ligne
On y voit en effet, en plus de l’entretien avec le directeur d’hôpital, l’interview de deux réfugiés soudanais. L’un d’eux avait été arnaqué par l’hôpital, qui ne l’avait pas rémunéré pour son don illégal, et l’autre déclare même avoir été lynché après qu’a été rendu publique son don : le jeune homme était porteur du virus du sida.
L’Égypte tente de redorer son blason après avoir été désignée par Luc Noël, ancien coordinateur de l’Organisation mondiale de la santé, comme l’un des cinq pays les plus touchés par le trafic d’organes dans le monde. Des réfugiés en quête d’argent pour continuer leur migration, mais aussi de nombreux Égyptiens pauvres cherchant à survivre ou à éponger leurs dettes, passent sur la table d’opération.
Un trafic lucratif
Pour eux, l’appât du gain est tentant. L’opération interrompue par la police lors de l’opération de la police égyptienne aurait rapporté 8 500 euros au donneur, sans doute pour un rein et une partie de foie, comme cela se fait souvent.
Le trafic est aussi très rentable : d’après un rapport publié en août 2016 par le British Journal of Criminology, un simple rein peut ensuite être revendu jusqu’à 85 000 euros à des étrangers en quête d’une dernière chance. Lors des perquisitions suivant l’opération de décembre 2016, des millions de dollars avaient été retrouvés.