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350 000 euros de dommages

Guérande : le SAMU raccroche au nez d’une victime d’AVC

Par Antoine Costa

Alors que la femme présentait tous les symptômes d’un accident vasculaire cérébral, le médecin régulateur a cru qu’elle était alcoolisée ou dépressive.

DURAND FLORENCE/SIPA
MOTS-CLÉS :

Allez vous coucher, « ça ira mieux demain ». C’est en substance la réponse adressée par le médecin régulateur du SAMU 44 à une habitante de Guérande (Loire-Atlantique), qui appelait alors qu’elle était en plein accident vasculaire cérébral (AVC).

Une décision lourde de conséquences : la femme est vivante, mais est lourdement handicapée. L’erreur du régulateur et la responsabilité du CHU de Nantes ont été reconnues par le tribunal administratif de Nantes, qui a condamné l’établissement à dédommager la patiente à hauteur de 350 000 euros.

Ivre ou déprimée

L’histoire remonte au 4 octobre 2010. Vers 22 h, Valérie Roux, alors âgée de 41 ans, appelle la SAMU et s’inquiète de fourmillements et de difficultés d’élocution. Elle est infirmière depuis une vingtaine d’années, et appelle en connaissance de cause.

Mais le médecin qui lui répond ne semble pas prendre ses symptômes au sérieux, évoquant un « état d’ivresse » ou « une dépression ». Après lui avoir conseillé d’aller se coucher, il lui raccroche même au nez.

La femme a alors dû ramper jusqu’au paillasson de ses voisins de palier. Ne pouvant pas frapper, elle finit par cogner contre la porte… avec sa tête. « Ces traumatismes crâniens répétés ont pu jouer un rôle délétère sur l’évolution de l’AVC », avaient signalé les experts médicaux mandatés pour l’affaire judiciaire.

 

Mauvais interrogatoire

La responsabilité du médecin a clairement été mise en cause par la justice, qui dénonce son orientation d’interrogatoire vers « la dépression et la prise d’alcool ». « Il résulte [...] des rapports des experts [...] que l'intervention de l'assistant de régulation médicale et du médecin régulateur [...] a été totalement inadaptée », souligne le tribunal administratif dans son jugement.

Grâce aux rapports d’experts, il est apparu qu’il n’avait pas suivi le bon protocole de régulation. « Un interrogatoire correctement effectué aurait permis de suspecter le problème neurologique et aurait évité l'erreur concernant l'heure de début des symptômes », ont notamment ajouté les juges nantais.

Un dédommagement pour le handicap

Ils ont ainsi estimé que le SAMU 44 était responsable de 30 % des dommages causés à Valérie Roux. C’est à ce titre qu’elle recevra 350 000 euros de la part du CHU de Nantes et de ses assureurs, auxquels s’ajoutent 1 500 euros pour les frais de justice.

L’Assurance maladie, associée à la victime pour le procès, recevra également ces 1 500 euros, en supplément des 65 000 au titre des frais médicaux engagés pour la patiente.

Celle-ci a dû passer 18 mois en rééducation, et suit désormais un traitement médicamenteux à vie. Handicapée, elle a dû adapter son logement, touche une pension d’invalidité. Elle a dû abandonner son métier d’infirmière pour devenir secrétaire dans l’établissement où elle exerçait, le centre de rééducation et de réadaptation fonctionnelle de Pen-Bron, à Saint-Nazaire.