ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Flambée de la syphilis aux Etats-Unis

Trafic de drogue

Flambée de la syphilis aux Etats-Unis

Par Anne-Laure Lebrun

Les réseaux de trafiquants de drogue et de prostitution font le lit de cette infection qui peut mener à la cécité, la paralysie et la démence. 

slavik65/Epictura

La syphilis regagne du terrain aux Etats-Unis. Alors que le pays pensait l’avoir éliminée, le nombre de nouveaux cas est aujourd’hui plus important que 20 ans auparavant, selon les dernières données des Centres de prévention et de contrôle des maladies (CDC).

Surnommée vulgairement vérole ou « mal de Naples », cette infection sexuellement transmissible (IST) a été diagnostiquée chez 75 000 Américains en 2015. Près de 25 000 d’entre eux présentaient une infection primaire, période où le risque de transmettre la maladie est la plus importante.

Et si la grand majorité des malades sont des hommes ayant des relations sexuelles (HSH) avec des hommes (81 % des cas), les hétérosexuels ne sont pas épargnés.
Une tendance retrouvée aussi en France. Dans le pays, le nombre de personnes infectées par la bactérie, le tréponème pâle, a été multiplié par 2 depuis 2010, passant de 657 à 1 332. Les HSH représentent 84 % des infections précoces. Et même sans prendre en considération l’orientation sexuelle, les hommes restent les premiers concernés dans le pays. La cause : le préservatif n’est pas systématiquement utilisé et les comportements à risque se multiplient.


De foyers en prisons

Mais aux Etats-Unis, les raisons de cette résurgence semblent être plus complexes et plus sombres. Dans un long reportage réalisé à Oklahoma City, ville américaine conservatrice victime d’une flambée épidémique l’an dernier, le New York Times raconte comment ce mal s’est propagé dans toutes les communautés. Car quels que soient l’âge ou la région d’origine, l’incidence de cette IST s’envole.

Les premières sonnettes d’alarme sont apparues dans les prisons de la ville. A l’automne dernier, un centre pénitentiaire pour mineurs a détecté la syphilis chez 3 adolescents, le plus jeune avait 14 ans. Une première depuis plus de 7 ans pour ce centre de détention. Ces jeunes ont assuré ne pas se connaître. La contamination a donc eu lieu hors de l’établissement.

Puis en février, un membre de gang détenu dans la prison de la ville est testé positif. Il rapporte alors avoir eu 24 partenaires sexuelles au cours des dernières semaines. La cocaïne ou de la méthamphétamine servaient de monnaie d'échange. Aux Etats-Unis, la propagation de la syphilis est l’une des conséquences du trafic de drogue.

Retard diagnostique et pénurie de traitement

Pour les autorités d’Oklahoma City, il est alors devenu quasi impossible et très dangereux d’accéder aux malades pour les convaincre d’être traités. Il est encore plus difficile d’avoir accès à leurs partenaires pour leur proposer de réaliser un test de dépistage.

A ces obstacles s’ajoute également le manque de connaissance des médecins. Certains n’ont jamais rencontré cette infection et ne savent pas la diagnostiquer. Pis, les centres de prévention et de traitement des IST voient leurs financements fondre comme neige au soleil. L’administration Trump a proposé de supprimer 17 % du budget alloué à ces structures.

Le quotidien américain souligne également les difficultés pour obtenir le traitement depuis plus d’un an. Seul Pfizer fournit l’antibiotique de référence. Maladie évitable qui se soigne très bien, la syphilis devient donc la bête noire aux Etats-Unis.

A tel point que le nombre de complications augmente. Les CDC ont constaté une hausse des atteintes oculaires et des cas de syphilis congénital (transmission par la mère). Car on l’aurait presque oublié, la syphilis non traitée peut mener à des séquelles irréversibles comme la cécité, la paralysie et la démence.