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Réanimation d'urgence

Assister aux soins d'urgence est bénéfique pour les proches d'un malade

Par La rédaction

Lorsque des enfants ou des adultes subissent des actes médicaux lourds, la présence des proches est plutôt positive. Et elle ne change rien à la qualité des soins, selon une étude française.

CHAMUSSY/SIPA

Que faire quand votre proche, hospitalisé, entre en service de réanimation parce que son état se dégrade rapidement… Sortir ? Ou rester avec lui, avec elle, et assister aux actes techniques impressionnants comme l’intubation… « C’est aussi un vrai problème pour les médecins, surtout les urgentistes, explique le Pr Frédéric Adnet, responsable du service d’urgence et du SAMU de l’hôpital Avicenne à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Il existe des recommandations médicales internationales plutôt favorables à la présence d’un membre mais elles font encore débat parmi les soignants. N’est-ce pas traumatisant pour la personne qui assiste à ces soins ? Est-ce que ça ne perturbe pas la qualité des soins ? »

Pour en savoir plus, l’équipe du professeur Adnet a coordonné une étude en France autour de l’arrêt cardiaque. Quinze unités de réanimation pré-hospitalière du SAMU ont participé, et ont été réparties au hasard en deux groupes. Dans un premier groupe, un membre de l’équipe demandait systématiquement au parent le plus proche présent au moment de l’arrêt cardiaque s’il souhaitait assister à la réanimation cardio-plumonaire. Dans le second groupe, si la possibilité d’assister aux soins était possible, elle n’était pas explicitement proposée. En tout, 540 cas d’arrêt cardiaque ont été étudiés.

Premier enseignement : les proches souhaitent en majorité assister aux soins. « Quand on fait une proposition systématique, dans 80 % des cas, la famille du malade souhaite être présente au moment de la réanimation, témoigne le Pr Frédéric Adnet. Et quand on ne leur propose rien, ils le demandent quand même dans plus de 40 % des cas. » Deuxième enseignement : assister aux actes de réanimation ne perturbent pas les personnes qui assistent à la réanimation. « Il faut savoir que dans ces situations le pronostic est très défavorable, à peine 5 % des personnes réchappaient à l’arrêt cardiaque. Pourtant, les proches qui ont assisté aux soins ont eu moins de dépression, moins de stress post-traumatique que ceux qui n’étaient pas présents », affirme le professeur Adnet.

Ecouter le Pr Frédéric Adnet, responsable du service des urgences de l’hôpital Avicenne. « Il est important pour les proches de constater que tout a été fait pour sauver la personne ».




Mais attention, laisser une place pour la famille, cela ne se fait pas n’importe comment. Dans le cadre de l’étude réalisée par l’équipe de l’hôpital Avicenne, cette présence était très protocolisée. Les équipes travaillent en amont la manière dont ils doivent communiquer. « Un membre de l’équipe est désigné pour communiquer, pour expliquer à la personne présente ce qui se passe, chaque acte, l’évolution de la situation, explique le Pr Frédéric Adnet. En général, l’équipe essaie de faire venir la personne juste après les actes les plus invasifs comme l’intubation ».

Autre enseignement, les auteurs de l’étude ont constaté que la présence d’un proche ne changeait rien à la qualité des soins. « Nous n’avons constaté aucune différence entre les deux groupes, ni pour la durée d’intervention, ni pour les injections de drogues, etc. » Et il semble qu’il n’y ait pas de conséquences non plus sur le niveau de stress émotionnel de l’équipe médicale, ni sur la survenue de conflits médico-légaux.

Un résultat qui conforte le Pr Jean-Louis Chabernaud, responsables des urgences pédiatriques de l’hôpital Antoine Béclère à Clamart (Hauts de Seine). Depuis, près de dix ans, il propose systématiquement aux parents d’un enfant en situation médicale difficile, d’assister aux soins. Là aussi tout est extrêmement protocolisé. Les membres de l’équipe sont formés pour expliquer les actes aux parents. Les mots sont choisis. L’espace est organisé pour les accueillir les parents. « Il faut être assez sûr de sa technique pour supporter le regard parental, témoigne le Pr Jean-Louis Chabernaud. il faut aussi être capable de mettre des mots sur ce qu’on fait en pleine situation d’urgence. Mais, quand l’ensemble de l’équipe adhère à la démarche, que cela fait partie d’un projet de soins bien établi, cela permet vraiment d’humaniser ces moments très techniques ».

Ecouter le Pr Jean-Louis Chabernaud, responsable du service des urgences pédiatrique de l'hôpital Antoine Béclère. « Le débat concerne surtout la façon dont le propose. Cela ne doit pas être imposé. »




Il rappelle qu’en pédiatrie, cela fait déjà plusieurs années que les professionnels réfléchissent à ce type de situation. « L’explication, la communication avec les parents sont devenues fondamentales ». Des études ont été réalisées. Et là aussi, il a été constaté que la présence des parents ne semble pas perturber le bon déroulement des gestes technique ou de réanimation même "agressifs" et peut diminuer leur anxiété. Des recommandations internationales ont été prises en faveur de la présence des parents. Il rappelle le travail de l’association Sparadrap qui a initié un film qui peut aider à mettre en place cette démarche dans les services de pédiatrie (1). 

Ces résultats devraient permettre d’ouvrir le débat sur la présence des proches à d’autres situations de soins. "Même si cela demande des efforts de formation et d’organisation, cela fait évoluer les pratiques, cela rend les choses plus transparentes, explique l’urgentiste pédiatrique. Par exemple, la petite table de réanimation sur laquelle le nouveau-né peut être aspiré, ventilé voire intubé dans les cas difficiles, n’est plus à côté de la salle d’accouchement mais intégrée à l’intérieur. C’est à dire que toute la prise en charge du nouveau-né même lorsqu’il ne va pas très bien peut être à ce moment-là vécue par la famille, par la mère qui vient d’accoucher et le père qui a assisté, de façon très visible, et avec des explications ». Pour le Pr Jean-Louis Chabernaud, ce type de démarche instaure une grande confiance entre les soignants et les parents parce qu’ils ont l’impression que rien n’est caché, que tout est fait en grande clarté. « Ça permet aussi de comprendre la grande difficulté de ces gestes d’urgence, en particulier chez les très petits bébés nés prématurément, et de comprendre aussi le fait que la médecine n’est pas toujours victorieuse… », souligne le professeur Chabernaud.

Cependant, organiser ce type de démarche dans un service ne se fait pas sans heurts. Lucile (2), une mère de famille de trois enfants, en a fait les frais il y a quelques mois dans un hôpital parisien. Sans préparation, ni explications, elle s’est retrouvée en service de réanimation face à son mari, avec des tuyaux partout, d’énormes difficultés pour respirer… « Un choc ! Je ne comprenais pas ce que je faisais là. » Hippolyte, son mari sortait d’une grosse opération, sept heures au bloc chirurgical pour un quadruple pontage coronarien. A la suite de l’intervention, son électrocardiogramme (ECG) présentait quelques anomalies. « L’hôpital m’a avertie, et je suis aussitôt venue. Mais j’étais là avant tout pour avoir des explications, pour comprendre ce qui se passait. Or d’emblée, une personne du service m’a emmené voir Hippolyte ». Déstabilisée, elle a patienté tentant de communiquer avec son mari, « très sédaté mais pas endormi, dans un état second ». Mais au bout d’un quart d’heure nouvelle douche froide. Un réanimateur vient extuber son mari. Etonné par la présence de Lucile, il s’emporte, lui crie de s’en aller, « qu’elle n’est pas au spectacle ! ». Finalement, c’est la cadre infirmier qui est venue dénouer la situation. Le service venait de mettre en place un nouveau protocole permettant la présence des proches auprès d’un malade en réanimation. Mais tous les membres de l’équipe ne semblait pas accepter cette procédure. « Et je suis repartie sans savoir pourquoi mon mari avait des courbes anormales sur son ECG. Ce n’est que le lendemain, alors que tout était revenu à la normale qu’un ami cardiologue m’a fait la traduction ».

 

 

 

(1) Soins douloureux en pédiatrie. Avec ou sans les parents ? film de formation et livret d’accompagnement. Association SPARADRAP. Paris, 2000.
(2) Les prénoms des personnes citées ont été modifiés.