Contrairement aux idées reçues, les migrants ne ramènent pas avec eux des maladies infectieuses. La plupart d’entre eux souffrent bel et bien d’un problème de santé. Mais les pathologies respiratoires, métaboliques ou digestives dominent nettement le tableau.
Dans le dernier numéro du Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH), Santé publique France remet l’église au milieu du village, et livre un bilan précis de l’état de santé des migrants, à leur arrivée dans le pays. Il contredit bien des préjugés sur ces populations précaires.
Périple migratoire oblige, les immigrés ne s’installent pas en France dans un état de santé optimal. Les trois quarts d’entre eux ont souffert d’une pathologie dans les six mois passés. Un sur six se plaint même d’au moins un trouble chronique.
Des maladies infectieuses rares
Ces témoignages ont été obtenus lors des évacuations de 16 camps de fortune en région parisienne, qui ont abouti au déplacement de 5 000 personnes, majoritairement originaires du Soudan, d’Afghanistan et d’Erythrée. Parmi les 700 migrants interrogés à cette occasion, les troubles les plus souvent déclarés sont la fatigue et les atteintes bucco-dentaires.
« Alors que les conditions de vie dans les campagnes pouvaient le laisser craindre, aucun épisode d’épidémie de maladie infectieuse entérique n’est survenu », tranchent les auteurs de cet article. Ils saluent l’efficacité des interventions de l’Etat et des associations sur place, qui ont ouvert l’accès à l’eau potable ainsi qu’à des douches.
De fait, la gale reste marginale et ne domine que dans les camps de Calais (Pas-de-Calais) et de Grande-Synthe (Pas-de-Calais). Dans ces deux zones, moins de 0,1 % de cas de tuberculose ont été signalés. De quoi rassurer les plus inquiets.
Le mal-être migrant
Si ces personnes se disent, en majorité, dans un bon état de santé, les faits décrivent une autre réalité. 6 % des migrants sont en sous-poids. Deux fois plus ont une glycémie capillaire trop élevée. Les conditions de vie expliquent bien cela.
82 % des personnes interrogés ont vécu dans un campement de fortune avant d’être hébergés de manière plus pérenne. « Le retentissement sur la santé de ces situations sociales est très important, tant sur le plan somatique que psychique, marqué par la grande fréquence des problèmes de santé et le renoncement aux soins », souligne en éditorial François Bourdillon, directeur général de Santé publique France.
De fait, c’est sans doute sur le plan de la santé mentale que le bilan est le plus inquiétant. La moitié des hommes interrogés reconnaissent souffrir d’un trouble psychique. Idées noires, crises de larme et irritabilité sont fréquemment retrouvés dans les entretiens.
Le renoncement aux soins
Il faut dire qu’au terme d’une traversée souvent difficile, les immigrés se retrouvent dans une situation extrêmement précaire. A laquelle s’ajoute un passé lourd. 30 % des migrants qui se sont rendus à une permanence d’accès des soins ont subi des violences ou la guerre dans leur pays d’origine. Les tortures dominent dans les témoignages.
Mais ce mal-être est rarement soigné. 12 % des migrants interrogés ont renoncé aux soins, notamment parce qu’ils n’ont pas de couverture maladie. Sans surprise, les soins psychiatriques sont refusé dans de nombreux cas.
Si les bilans infirmiers et l’information sur le droit à la couverture sociale ont en partie levé les freins, la précarité financière et le manque de lien social continuent de peser lourd dans le renoncement aux soins. Car 47 % des migrants ne disposent pas d’un revenu… et les deux tiers d’entre eux expriment un sentiment de solitude.