Une condamnation quasi unanime. Mardi, le quotidien La Provence a publié une enquête fouillée sur les moyens dévolus au suivi des malades atteints de troubles psychiatriques. Mais le titre à la Une du quotidien – « Les barjots, les schizos et les autres… Comment la société les gère » – claquait comme une gifle adressée aux patients atteints de cette maladie et aux associations qui les accompagnent.
Un titre « stigmatisant et d’une violence terrible pour les familles », a commenté Béatrice Borrel, présidente de l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam).
De son côté, le syndicat national des journalistes (SNJ) de La Provence a réprouvé « avec la plus grande fermeté l’usage de ces titres faussement racoleurs et insultants vis-à-vis de personnes en souffrance ».
Ce concert de réprobations ne doit pas exonérer les journalistes de leur responsabilité dans l’usage de mots empruntés à la psychiatrie pour commenter des faits divers ou des stratégies politiques.
En 2015, rappelle Pierre Bienvault dans le journal La Croix, l’association Promesses, qui réunit des familles et des personnes touchées par la maladie, a commandé une étude sur « l’image de la schizophrénie à travers son traitement médiatique ». Quatre quotidiens nationaux, trois hebdomadaires et la presse régionale on été épluchés par l’Observatoire Société et Consommation (ObSoCo).
Dans les articles de la rubrique judiciaire, le terme de schizophrénie est souvent associé à la violence du meurtrier et à l’image du monstre, relève l’étude. Or, indiquent les auteurs, seulement 0,2 % des crimes sont commis par des personnes atteintes de schizophrénie.
Mais les stéréotypes ne s’arrêtent pas là. Les références aux troubles mentaux ont aussi contaminé certains journalistes politiques. L’un d’eux évoquant le refus de François Hollande d’admettre ses échecs conclut son article par : « Schizophrénique ? Non, tactique ! ».
« Le portrait social de la schizophrénie s’en trouve d’autant plus déformé puisque cela laisse à penser qu’il y aurait peut-être, dans le fond, une possibilité de contrôle de la part de la personne qualifiée de schizophrène. Ce qui est une contre-vérité absolue par rapport à la réalité (…) d’un trouble neuronal sévère, subi, dont la personne atteinte n’a aucune maîtrise », observe l’étude.
Cela donne l’image « l’image d’un manipulateur qui ruse et s’adapte en toutes circonstances », commente dans La Croix, Fabienne Blain, fondatrice de l’association.
Plusieurs initiatives, mentionne le quotidien, ont été menées pour créer des passerelles entre la psychiatrie et les journalistes. « … On intervient aussi dans toutes les écoles de journalisme ou des rédactions pour parler du traitement médiatique du suicide, ce qui est une porte d’entrée pour parler de la maladie mentale », confie Nathalie Pauwels, représentant la Fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale, en Hauts-de-France.
Et un petit rappel pour les aînés n’est jamais superflu.