C’est un débat qui fait rage dans la communauté médicale depuis des années. Faut-il oui ou non dépister le cancer de la prostate par dosage du PSA ? Pour les autorités sanitaires, la réponse est claire : ce test de dépistage ne présente pas d’intérêt. La concentration de cette protéine ne reflète pas suffisamment le risque de cancer. Une défiance qui n’empêche pas les médecins de le prescrire à leurs patients. En France, environ 3 millions d’hommes le réalisent chaque année.
Mais une nouvelle étude pourrait les mettre d’accord. Dans Annals of Internal Medicine, une équipe de recherche de l’université du Michigan (Etats-Unis) montre que le dosage du PSA permettrait de réduire la mortalité par cancer de la prostate de 25 à 32 %.
Pour le Pr François Desgrandchamps, chef du service d’urologie de l’hôpital Saint-Louis (Paris), cette étude pourrait bien mettre fin à cette controverse ancienne. Il rappelle toutefois que tous les cancers dépistés n’ont pas besoin d’être traités.
Cette nouvelle analyse coupe-t-elle court à la controverse autour du PSA ?
Pr François Desgrandchamps : Cette étude réanalyse les résultats de 2 études contradictoires. L’étude européenne disait qu’il fallait dépister car cela permettait de sauver vies, tandis que l’étude américaine affirmait qu’il ne fallait pas l’utiliser.
Les résultats américains ont longtemps jeté le trouble chez les urologues, et surtout chez les médecins généralistes français. Ces derniers considéraient que faire un dosage PSA était une erreur. Ils ont donc arrêté de le prescrire.
Les autorités américaines s’étaient fondées, elles aussi, sur cette étude pour ne plus recommander le dosage PSA. Or, on sait depuis toujours que cette étude avait d’importants biais de méthodologie.
Heureusement, cette nouvelle étude permet de remettre tout le monde d’accord. L’analyse biostatistique révèle que les deux études se rejoignent et montrent que le dépistage par dosage PSA permet de réduire de 35 % les risques de mourir d’un cancer de la prostate.
Quid des risques de sur-diagnostic et de sur-traitement ?
Pr François Desgrandchamps : En réalité, il faut savoir interpréter le dosage du PSA. On ne prend jamais aucune décision sur un seul dosage. Si le premier est anormal, il faut en refaire un autre un mois après. Ensuite, si l’anomalie persiste, il faut faire un toucher rectal afin de déceler la présence d’un nodule suspect. Et enfin, l’outil essentiel du dépistage du cancer de la prostate est l’IRM. Aujourd’hui, on fait une biopsie seulement si l’IRM détecte une lésion de haut grade.
Et puis, avant de se jeter sur le dépistage et le traitement, il faut savoir à qui l’on s’adresse, et le patient doit recevoir une information complète. Car il a été dit, et je partage cet avis, qu’un dosage PSA, c’est comme demander une sérologie VIH.
Quand un dosage PSA est anormal, tout s’enchaîne et les patients ne contrôlent plus rien. Et malheureusement, parfois, on aboutit à un diagnostic que l’on aurait préféré ne jamais connaître, car on ne va pas rendre service au malade pour sa survie. En revanche, on va lui gâcher sa qualité de vie si on commence à lui faire passer un tas d’examens et lui parler de cancer.
Donc bien sûr que oui, il faut dépister, mais il ne faut pas traiter tout le monde. Il faut prendre en charge les patients qui en ont besoin, ceux qui risquent de mourir de leur cancer de la prostate, car ils sont atteints de tumeurs agressives. On sait qu’en France, un cancer dépisté sur deux n’est pas mortel.
Et comment identifier ces patients ?
Pr François Desgrandchamps : Pour l’instant, et pour encore un bon moment je pense, nous n’avons que le score de Gleason. Développé dans les années 1950, il permet de prédire l’évolution des tumeurs. Par exemple, pour un cancer de score 6, le risque de mourir de ce cancer dans les 15 ans qui viennent est de l’ordre de 5 %. Donc le rôle de l’urologue est d’estimer le risque pour son patient et de proposer un traitement si le pronostic est mauvais. Il est donc très important d’expliquer au patient que dans certains cas, le meilleur traitement est de ne rien faire.
D’autres tests sont en cours de développement, notamment des scores génétiques, qui pourraient compléter le score de Gleason. Mais ils ne sont pas encore aussi fiables que celui utilisé.