La tuberculose est aujourd’hui considérée comme une "maladie du passé", presque disparue en France. Mais si le nombre de cas est bien en baisse dans notre pays (environ 5000 par an, avec une diminution chaque année), c’est la maladie sous ses formes les plus résistantes qui inquiète.
La tuberculose multi-résistante (MDR) a fait irruption dans l’actualité française à la fin de l’année 2012, avec la découverte chez plusieurs migrants venus d’Europe de l’Est d’une forme particulièrement résistante aux antibiotiques. Orientés vers le service de traitement des maladies infectieuses de l'hôpital de la Pitié Salpètrière (Paris), ces malades se sont révélés être porteurs d’un bacille résistant aux antituberculeux habituels, et donc particulièrement difficile à soigner. « La tuberculose est assez emblématique d’une bactérie qui, confrontée à des antibiotiques, essaie de se défendre et devient plus résistante » , explique le Pr Jean-Paul Stahl, chef du service des maladies infectieuses au CHU de Grenoble. Si les malades sont mal suivis, ils ont donc des risques importants développer une forme résistante de la maladie.
Ecouter le Pr Jean-Paul Stahl, chef du service des maladies infectieuses au CHU de Grenoble : « Ce n'est pas étonnant que l’on retrouve comme pourvoyeur de tuberculose résistante les pays les moins riches... »
Un mauvais suivi des malades
A la suite à la découverte de ces patients hors norme, la Direction générale de la Santé (DGS) a fait savoir à la fin du mois de janvier 2013 que la hausse des formes de tuberculose multi-résistantes aux traitements (MDR) était considérée comme « inquiétante sur le plan de la santé publique » en France.
Selon les chiffres de la DGS, 92 cas ont été détectés en France en 2012, contre 64 cas en 2011 et 40 en 2010. La majorité des cas concernant « des personnes issues des pays de l’ex-URSS et quelques cas issus d’Asie (Chine et Inde) », précise le rapport, qui indique que la population française est pour l’instant très peu exposée : cinq malades français seulement ayant été enregistrés en 2012.
La découverte de ces malades a surtout mis en lumière les risques de diffusion de souches résistantes à travers la planète, du fait de l’intensification des échanges et des déplacements. Le 4 mars 2013, le Time posait la question, à la Une : "Pourquoi la tuberculose résistante aux traitements nous menace-t-elle tous ?". Dans un article intitulé "les médicaments ne fonctionnent pas", le magazine américain s’est particulièrement intéressé aux formes les plus résistantes de tuberculose présentes en Inde.
Un phénomène qui s'explique là encore par un mauvais suivi des malades. En effet, dès la fin des années 1990, des cas de tuberculose résistantes aux antibiotiques ont été relevés en Inde, sans qu’aucun traitement long et véritablement adapté ne soit mis en place. Vingt ans plus tard, en 2007, 30% des tuberculoses dans le pays étaient considérées comme résistantes (MDR) et 1,6% comme ultra-résistante (XDR).
« On peut y voir aussi l’effet pervers de l’occident qui amène des médicaments dans les pays pauvres, sans assurer le suivi de la prescription », note Jean-Paul Stahl. « Aider les pays qui ont des infections de cet ordre, c’est apporter du médicament mais aussi construire un système de suivi, sinon on s’expose à ce genre de chose », développe-t-il.
Un phénomène exceptionnel en France
D’après le Time, 84 pays seraient touchés par cette forme avancée de la tuberculose : l’est et le sud est de l’Asie, l’Europe de l’Est, l’Afrique du Sud, la Russie et l’Inde ont des taux particulièrement alarmants de résistance.
En France, le Pr François Bricaire, chef du service des maladies infectieuses à la Pitié-Salpètrière, constate une augmentation des cas de MDR, même si le phénomène reste très limité. « Il y a suffisamment de personnes qui sont porteuses de bactérie multi résistantes pour qu’on doive s’en inquiéter et s’en occuper », souligne-t-il. "On essaie de les repérer, et de les isoler pour qu’ils ne transmettent pas de bacille tuberculeux autour d’eux, en faisant en sorte de trouver les traitements qui peuvent être encore efficaces, notamment en associant beaucoup d’anti tuberculeux." Parfois, un recours à la chirurgie s’avère même nécessaire pour venir à bout de la maladie.
Ecouter le Pr François Bricaire, chef du service des maladies infectieuses à la Pitié-Salpètrière : « Si des malades peuvent circuler, ils peuvent transmettre, et contaminer des gens qui développeront une tuberculose ultérieurement ».
De son côté, Jean-Paul Stahl s’inquiète surtout de la généralisation de certains antibiotiques "de sauvetage" dans les pays à haute endémie tuberculeuse, au risque d’accroitre toujours plus la résistance de la maladie.
L’OMS alerte sur le manque de moyens
A la veille de la journée mondiale contre la tuberculose, le 24 mars, l’OMS et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme sont montés au créneau pour réclamer de nouveaux financements. Les deux organismes ont particulièrement mis en garde contre la tuberculose multi-résistante, qui « constitue une menace majeure »pour les populations les plus pauvres : on estime aujourd’hui que 630 000 personnes en atteintes à travers le monde. L’OMS et le Fonds mondial ont averti que des souches de tuberculose résistante pourraient se propager largement, et ont fait savoir qu’il était nécessaire de débloquer au moins 1,6 milliard de dollars pour garantir traitement et prévention. « Si nous n’intervenons pas aujourd’hui, les coûts risquent d’exploser. Il s’agit d’investir maintenant, ou de payer pour toujours », a même déclaré le Directeur exécutif du Fonds Mondial.
De nouveaux antituberculeux sont actuellement testés pour faire face à ces nouvelles formes de la maladie. Le 1er janvier, un traitement capable de venir à bout des formes les plus résistantes de la tuberculose a été autorisé aux Etats-Unis : le Sirturo, produit par le laboratoire américain Johnson and Johnson (J&J), montre qu'un espoir thérapeutique existe derrière cette évolution de la maladie.