- Le choc septique tue une personne toutes les 3 à 4 secondes dans le monde. D’ici 50 ans, le nombre de cas devrait doubler.
- Chaque année, 6 millions de nourrissons meurent de cette réaction grave.
- En France, la mortalité associée au choc septique est de 27 % ; elle peut aller jusqu’à 50 % dans les formes les plus graves.
- En mai dernier, l’OMS a déclaré la septicémie comme problème de santé publique majeur.
Le bio-mimétisme. Voilà un terme qui pourrait prendre de l’ampleur. S’inspirer de la nature pour développer des traitements, c’est justement ce qu’a tenté une équipe de l’Inserm installée à Dijon (Côte-d’Or). Son ennemi : le choc septique, cette réaction inflammatoire grave qui survient à la suite d’une infection bactérienne.
Dans Scientific Reports, les scientifiques expliquent avoir tiré parti d’une protéine naturellement présente dans l’organisme pour combattre le sepsis. Baptisée PLTP, elle neutralise l’action des toxines exprimées par les bactéries à l’origine de l’infection. Evitant par là le décès du patient.
Une protéine vitale
La protéine est en quelque sorte une « machine à laver des toxines bactériennes », explique Laurent Lagrost, qui a coordonné les recherches. La PLTP désagrège la surface des bactéries, productrice d’endotoxines. Celles-ci sont ensuite transférées aux lipoprotéines afin qu’elles soient acheminées vers le foie, détruites, et évacuées par les voies biliaires.
En temps normal, l’organisme effectue ce travail en permanence. Mais chez des personnes affaiblies, la protéine fonctionne moins bien. Or, elle est essentielle, comme l’ont montré les Français avec un test sur des souris. Modifiées génétiquement afin de ne plus exprimer de PLTP, elles ont été exposées à des bactéries à Gram négatif, responsables du choc septique. Les animaux sont rapidement morts de l’infection, sans pouvoir la combattre.
Le problème, c’est que l’être humain produit très peu de PLTP. Seuls quelques milligrammes se concentrent dans notre sang, ce qui rend son extraction très difficile. Les auteurs de cette étude ont donc évité un travail de fourmi en changeant d’approche.
Des lapins cobayes
D’abord, les scientifiques ont génétiquement modifié des lapines afin qu’elles produisent plus de PLTP dans leur lait. La quantité obtenue était 1 000 fois supérieure à celle observée dans le sang humain. Ce choix ne doit rien au hasard : la protéine est lipophile. Le lait constitue donc un environnement idéal pour abriter la PLTP.
Et le résultat a dépassé les espérances des Français. Le lait extrait d’une lapine contient autant de PLTP que 50 litres de sang humain. De quoi obtenir une quantité raisonnable. A partir de ces protéines, une seconde série d’expériences a été réalisé sur des souris souffrant de choc septique.
Une action rapide
De faibles doses de PLTP ont été injectées aux animaux malades, de manière à dépasser légèrement la concentration naturelle. Rapidement, leur état de santé s’est amélioré. De fait, la protéine bloque la prolifération des bactéries en fragilisant leur paroi. Mais ça n’est pas tout : elle désagrège aussi efficacement les endotoxines qui provoquent le choc toxique.
« Cette étude démontre que la PLTP humaine recombinée pourrait être un agent thérapeutique », concluent les auteurs. Mais ceux-ci font preuve de prudence : rien à ce stade ne permet d’affirmer que le lait de lapine suffira à répondre aux besoins d’une prise en charge en vie réelle. Assurer une quantité suffisante de protéines sera essentiel à un usage efficace et généralisé. Difficile, en effet, d'imaginer une structure de traite de lapines à la chaîne...