Traiter fort et plus tôt. C’est un peu la philosophie qui émane des deux dernières études menées sur le mélanome. Présentées au Congrès de la Société européenne d’oncologie clinique (ESMO), qui se tient du 8 au 12 septembre à Madrid (Espagne), elles montrent que les traitements innovants du cancer peuvent être utilisés dès le stade III de ce cancer cutané.
Connu pour évoluer rapidement et produire de nombreuses métastases, le mélanome est à haut risque de rechute, même après une chirurgie. Mais cette ère se termine peut-être. C’est en tout cas ce que suggèrent les travaux coordonnés par les chercheurs du Melanoma Institute Australia, publiés simultanément dans le New England Journal of Medicine.
Une épée de Damoclès
Ces essais cliniques n’ont pas testé les mêmes molécules, mais partagent un point commun. Tous deux ont porté sur des patients qui ont été opérés d’un mélanome de stade III – qui a donc envahi les ganglions lymphatiques. Le pronostic est particulièrement mauvais, puisque le risque de récidive et de progression de la maladie est estimé à 40 voire 70 % chez ces malades.
Mais le recours aux traitements innovants du cancer pourrait remettre en cause cette statistique. Les thérapies ciblées et les immunothérapies ont en effet permis de stopper la maladie et d’éviter la formation de métastases chez les volontaires.
« Jusqu’ici, les patients en stade III opérés n’avaient qu’à attendre pour savoir si le mélanome allait produit des métastases ou s’étendre, explique le Pr Georgina Long, principal auteur de ces travaux. Vivre avec une telle crainte les affecte, eux et leurs proches. »
Moins de métastases
Dans le premier cas, deux thérapies ciblées – le dabrafenib et le trametinib – ont été utilisées en adjuvant de la chirurgie et comparées à un placebo. Ces médicaments ciblent une mutation sur le gène BRAF, empêchant son activation. Et l’approche s’avère efficace, même à un stade III.
Sur les 870 patients traités pendant un an, récidives et métastases ont été prévenues chez la majorité des malades. Au bout de trois ans, le risque de rechute était réduit de 53 % chez ceux qui ont reçu une thérapie ciblée par rapport au groupe ayant reçu un placebo.
Grâce à la combinaison dabrafenib/trametinib, la survie globale à 3 ans s’élève à 86 % – contre 77 % au sein du groupe placebo. De même, les métastases sont moins nombreuses chez les patients traités avec un principe actif. Mais cette efficacité a un prix, celui des effets secondaires. Seuls 3 % des volontaires n’en ont pas souffert sous thérapie ciblée.
Des effets secondaires lourds
Les immunothérapies se montrent elles aussi très efficaces au stade III du mélanome, comme le montre une deuxième étude. Ses auteurs ont testé, auprès de 900 personnes, le nivolumab ou l’ipilimumab en complément de la chirurgie. Ces immunothérapies apprennent au système immunitaire à reconnaître les cellules cancéreuses et à les détruire.
Pendant 12 mois, les malades ont reçu l’une ou l’autre des molécules. Là encore, s’attaquer rapidement à la tumeur est une stratégie qui paie. 71 % des patients sous nivolumab n’ont pas fait de rechute contre 61 % sous ipilimumab.
La première molécule s’avère aussi plus intéressante sur le plan des effets secondaires. La part de malades souffrant de symptômes sévères est trois fois plus élevée avec l’ipilimumab – qui provoque plus d’arrêts de traitement.
Effets secondaires ou pas, le principal auteur de ces travaux se montre enthousiaste. « Nous disposons maintenant de munitions pour prévenir l’expansion et la progression du mélanome, ce qui constituait une zone essentielle, mais sur laquelle nous n’avions aucun contrôle », se félicite le Pr Georgina Long.
Au vu de ces résultats, l’objectif est à présent clair : faire du mélanome une maladie chronique. Selon l’Australienne, il est « plus que jamais à portée de main ».