Obésité et fertilité forment un bien mauvais couple. En moyenne, il faut moitié plus de temps pour concevoir quand les deux partenaires sont en surpoids. Selon toute logique, perdre les kilos en trop devrait donc être bénéfique. Mais la stratégie adoptée pour y parvenir pèse elle aussi dans la balance, comme le montre une étude publiée dans Bariatric Surgical Practice and Patient Care.
Réalisés auprès de 79 hommes, ces travaux montrent que les patients obèses qui ont bénéficié d’une chirurgie bariatrique n’ont pas les mêmes chances. Après un bypass, les anomalies du sperme sont plus fréquentes que chez les volontaires qui n’ont pas choisi de passer par le bloc opératoire. Seul un patient a réussi à concevoir après l’intervention.
Un constat paradoxal
Seuls 43 % des hommes opérés avaient un sperme normal contre deux tiers de ceux qui sont restés obèses et 80 % de ceux de poids normal. Le fossé est manifeste. Dans le détail, ces patients souffraient davantage d’oligo-asthéno-térato-spermie (OATS). Ce terme désigne un ensemble d’anomalies du sperme : les spermatozoïdes ne sont pas assez nombreux (oligospermie), trop peu mobiles (asthénospermie) et malformés (tératospermie).
Plus l’IMC est élevé, plus le risque d’en souffrir est significatif. Mais la chirurgie bariatrique ne semble pas avoir d’effet positif sur ce paramètre. Les chercheurs ont aussi noté 5 % d’azoospermie, c’est-à-dire que le sperme n’est peuplé d’aucun spermatozoïde.
Les anomalies persistent donc après un bypass. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir minci. Dans les 2 à 5 ans suivant l’intervention, les participants ont perdu, en moyenne, 71 % de leur excès de poids. Et les facteurs de risque s’améliorent, dans l’ensemble : outre la surcharge pondérale, le taux d’hormones sexuelles masculines (androgènes) retourne à un niveau normal, tout comme la qualité de la vie sexuelle.
Une carence en vitamine D
Le phénomène semble paradoxal, à première vue. Mais ce n’est pas la première fois qu’il est mis en avant. « Quelques études montrent que les carences nutritionnelles provoquées par certaines interventions malabsorptives sont susceptibles d’agir sur la fertilité et le développement fœtal », souligne une équipe française dans une récente revue de la littérature. D’autres suggèrent l’inverse.
En entrant dans le détail, deux pistes d’explication émerge. Le taux d’œstradiol, une forme d’œstrogène – principale hormone sexuelle féminine –, reste élevé après la chirurgie bariatrique. Ce qui pourrait interférer avec la fertilité.
L’autre élément anormal est la conséquence directe de l’intervention. Le bypass est une chirurgie de dérivation gastrique, qui entraîne une malabsorption des aliments mais aussi des micro-nutriments. La prise de compléments alimentaires permet de limiter cela.
La question de l’observance
Mais comme le soulignent les auteurs de cette étude, « l’observance n’est parfaite nulle part dans le monde ». De fait, nombre d’opérés souffrent d’une carence en vitamine D. Celle-ci joue justement un rôle de régulation pour de nombreuses enzymes qui sont impliquées dans la production d’hormones sexuelles.
Le phénomène a été observé par ailleurs : l’hypogonadisme, aussi connu comme l’insuffisance testiculaire, est associé à une carence en vitamine D. Voilà qui rajoute une pièce au puzzle. Mais comme le souligne le rédacteur en chef de la revue scientifique, Edward Lin, « le défi est de savoir si une correction des anomalies hormonales et des micro-nutriments suffisent à inverser la tendance. »