La cigarette tue à petit feu. Lentement, mais sûrement. Une étude menée par l’université Johns-Hopkins (Etats-Unis) le montre bien.
Publiée dans Cancer Cell, elle met en évidence l’impact pernicieux de la fumée de tabac sur les cellules du poumon. Des modifications épigénétiques, favorisant l’apparition d’un cancer, s’accumulent avec le temps.
Pour parvenir à ce constat, les scientifiques américains ont mis à contribution des cellules de poumon cultivées en laboratoire. Pendant 10 à 15 mois, elles ont été exposées à un concentré de fumée de tabac, censé mimer le mode de consommation d’un fumeur sur une durée de 20 à 30 ans.
Dans les 10 jours suivant le début de l’exposition, les premières anomalies se manifestent. Avec le temps, les protéines favorisant les changements épigénétiques se lient plus fortement à l’ADN. Au terme de l’étude, il est couvert de traces de méthylation, un phénomène qui modifie l’expression des gènes.
Une mutation clé
« Quand vous fumez, vous accumulez un support favorisant les changements épigénétiques dont nous pensons qu’ils favorisent le risque de développer un cancer du poumon, explique Stephen Baylin, principal auteur de l’étude. Si vous êtes non-fumeur, ce risque est très faible. »
Plusieurs gènes sont touchés par ces altérations et ne s’expriment plus. Un processus inquiétant, puisqu’ils sont nécessaires pour protéger les cellules saines d’un cancer. En fait, la fumée de tabac a pour effet de favoriser les mutations de KRAS, un oncogène connu. En temps normal, son activité est signalée afin de déclencher les défenses immunitaires.
Mais la présence de la mutation ne suffit pas. Sans changement épigénétique, l’organisme se défend. Deux catégories de cellules ont été exposées à KRAS. Dans un cas, elles étaient saines et le sont restées. Dans l’autre, l’expression des gènes était modifiée, et un cancer s’est développé.
30 % de cancers en cause
Restait à vérifier cela sur un organisme vivant. Des souris ont été sélectionnées pour cela. Un groupe de rongeurs s’est vu injecter des cellules pulmonaires exposées plus ou moins longtemps à la fumée de tabac. Six mois d’exposition n’ont pas d’effet sur les animaux. En revanche, les cellules ayant subi 15 mois d’exposition ont provoqué un adénocarcinome pulmonaire.
De fait, environ 30 % des adénocarcinomes pulmonaires sont porteurs de la mutation KRAS. Ils abritent aussi fréquemment des anomalies produites par la fumée de cigarette. Mais celles-ci dépendent fortement de la durée de consommation.
Conclusion : il n’est jamais trop tard pour arrêter de fumer. Bien au contraire, se sevrer rapidement permet de limiter les dégâts, au moins sur l’ADN. « Si vous êtes fumeur, vous avez 8 à 9 chances sur 10 de ne pas développer de cancer du poumon, résume Stephen Baylin. Mais les statistiques jouent vraiment contre vous, en partie à cause de ces changements épigénétiques qui s’accumulent. »