La France s’apprête à rejoindre la liste des pays qui ouvrent la PMA (procréation médicalement assistée) à toutes les femmes, célibataires ou en couple. La secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, l’a annoncé ce mardi et en a fait une question de « justice sociale ».
Cet été, la secrétaire d’Etat avait évoqué l’idée de faire passer la PMA pour toutes dans le cadre de la loi de bioéthique, dont la révision est prévue en 2018. Elle avait dit vouloir un débat « le plus court possible » pour éviter « de recrisper la société ».
Ce jeudi, le président du CCNE (Comité Consultatif National d’Ethique) a précisé que la loi de bioéthique serait révisée au dernier trimestre 2018 pour un vote début 2019. Dans une tribune publiée dans Le Monde, un collectif d’associations demande une accélération du calendrier et un vote au Parlement avant la révision de la loi de bioéthique. Jean-Marie Bonnemayre, président du Conseil national des associations familiales laïques, cosignataire de la tribune, revient sur les raisons de cette demande.
Que craignez-vous, avec un examen du texte sur la PMA dans le cadre de la loi de bioéthique ?
Jean-Marie Bonnemayre : Nous craignons un scénario type Manif pour Tous. En tant qu’organisation familiale laïque, nous avons très mal vécu l’intrusion en 2012 des opposants au mariage pour tous dans les débats organisés par l’UNAF (Union Nationale des Associations Familiales) et pendant les discours de Dominique Bertinotti [alors ministre déléguée à la Famille, ndlr]. Le milieu catholique, essentiellement, s’était mobilisé dès le début pour conspuer toutes ses interventions, en sifflant, en criant…
A l’époque, nous avions alerté la ministre sur la nécessité d’agir vite car en face, ils s’organisaient à toute vitesse. En septembre 2012, la machine de l’opposition était déjà lancée et en novembre, les évêques lançaient leur appel à manifester. Nous savons que cela prend du temps pour un nouveau ministre de s’installer, de rentrer dans ses dossiers… Instruits de ce précédent, nous pensons que le gouvernement devrait agir au plus vite afin d’éviter les blocages que nous avons connus avec le mariage pour tous.
N’est-ce pas priver l’opposition de son droit d’expression ?
Jean-Marie Bonnemayre : L’opposition a tout à fait le droit d’exprimer son opinion. Mais il y a certaines réalités que l’on ne peut pas occulter. Les experts du CCNE ont donné un avis globalement favorable à l’ouverture de la PMA à toutes les femmes et les derniers sondages confirment que la société est majoritairement pour cette ouverture (à 60 % environ). C’est un débat citoyen qui existe déjà, dans lequel les opposants ont toute leur place, même s’ils sont minoritaires.
Le fait d’accélérer le calendrier ne les empêche pas de s’exprimer. Mais cela limite le pouvoir de nuisance du noyau dur, des irréductibles – catholiques pour la plupart mais aussi évangélistes – qui s’opposent à toutes formes d’évolutions bioéthiques (loi Veil sur l’IVG, cours de sexualité dans les collèges…). Nous souhaitons que la question soit examinée au plus vite par le Parlement : cela n’a rien d’un processus non-démocratique.
Pensez-vous que l’opposition pourrait remettre en cause la loi PMA ?
Jean-Marie Bonnemayre : Je pense qu’il y aura une mobilisation, mais qu’elle ne sera pas de nature à faire capoter la loi. Depuis le mariage pour tous, l’opinion publique a évolué et l’échiquier politique est différent. En 2012, la droite était presque unanimement défavorable à l’ouverture du mariage aux couples homosexuels. Aujourd’hui, des anciens membres de la droite sont au gouvernement ; l’opposition politique sera peut-être moins forte, même s’il faudra compter avec des mouvements tels que Sens Commun.