La récompense est moins prestigieuse qu’un prix Nobel. Mais elle a au moins le mérite d’amuser quelques lecteurs. Comme chaque année, la cérémonie des IG Nobel a décerné ses prix aux auteurs de travaux improbables qui font rire, puis réfléchir. Parmi les lauréats du cru 2017, cinq Français, à l’origine d’une édifiante étude sur les origines… du dégoût du fromage, ont décroché l'IG Nobel de médecine. Rien que ça !
Il faut dire que l’Hexagone regorge de matières premières pour mener à bien ces recherches. Entre munsters, camemberts et autres reblochons, les odeurs fromagères sont variées. Et puissantes.
Mais comment expliquer que certains soient tout simplement révulsés par cette spécialité typiquement française ? C’est la question – peu ordinaire, on le reconnaît – que se sont posée des chercheurs en neurosciences de Lyon et Paris.
Une étrange récompense
332 courageux volontaires ont accepté de se plier à l’exercice. Parmi eux, 6 % exprimaient un dégoût avéré pour le fromage, 3 % pour le poisson et 2,5 % pour la charcuterie. Surpassant cette révulsion, quinze participants ont exposé leurs orifices nasaux à différentes odeurs. Le tout dans un appareil d’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle. Quinze autres personnes, qui ne voulaient aucun mal à ce mets, ont réalisé la même expérience.
Nez délicat ou non, tous ces volontaires ont inhalé les odeurs de 6 fromages et celles de 6 aliments contrôle. A chaque vaporisation, ils étaient invités à signaler si l’odeur leur été inconfortable ou appétissante.
Le protocole a, effectivement, de quoi prêter à sourire. Mais les observations, elles, sont riches d’enseignements. Deux aires impliquées dans les circuits de la récompense sont plus stimulées chez les personnes révulsées par le fromage que chez les autres. L’explication : ce réseau répond aussi aux sensations désagréables et pourrait bien régir la réaction de dégoût.
L'appétit coupé
Mais ce n’est pas tout. Le pallidum ventral est zone cérébrale qui s’active lorsque l’on a faim. Elle reste totalement inactive en présence du fromage tant abhorré. Il se montre bien plus dynamique lorsque les odeurs sont liées à un mets plus alléchant.
En réalité, le fromage a plutôt servi de prétexte à ces neuroscientifiques, qui tentaient de comprendre les mécanismes cérébraux à l’origine du dégoût – l’une des clés de la survie dans le règne animal. L’étude aura eu une renommée que les chercheurs n’avaient peut-être pas prévu… tout en maintenant la réputation de la France comme pays du fromage.
Les fœtus aiment la musique
Au rayon des travaux improbables, ceux de l’Institut Marquès (Barcelone, Espagne) méritaient bien un IG Nobel. Lauréats de l’édition 2017, dans la catégorie Obstétrique, ses chercheurs ont mis au point une capsule capable de diffuser, dans le vagin de femmes enceintes, de la musique à destination du fœtus.
Et les observations hors du commun ne s’arrêtent pas là. Les scientifiques ont réalisé une étude sur trois groupes de fœtus, dont les mères ont été exposées à différents niveaux sonores. Dans la plupart des cas, ces petits êtres bougeaient la bouche et tiraient la langue, un peu comme pour parler.
Au-delà de l’aspect amusant, ces travaux pourraient servir à détecter les troubles de l’audition dès l’utérus, espèrent les médecins de l’Institut Marquès. Qui n’ont pas tardé à déposer un brevet pour leur produit.