Nouveau revers pour les victimes de l’amiante. La cour d’appel de Paris a une nouvelle fois annulé les mises en examen des responsables nationaux dans deux dossiers majeurs de ce scandale sanitaire - celui du campus parisien de Jussieu et celui des chantiers navals Normed de Dunkerque. Les avocats des victimes l’ont annoncé à l’AFP ce vendredi.
Entre fin 2011 et début 2012, neuf décideurs, industriels, scientifiques ou hauts fonctionnaires, ont été mis en examen pour homicides et blessures involontaires. L’instruction a été menée par le pôle santé publique du tribunal de Paris et visait à rechercher d’éventuelles responsabilités nationales dans la gestion du dossier de l’amiante.
"Scandaleux"
Après plus de vingt ans d’enquête, « il est tout simplement scandaleux que cette affaire se termine par la mise hors de cause de tous ceux qui étaient chargés du système de veille sanitaire », a réagi Michel Ledoux, avocat de plusieurs centaines de victimes de la fibre cancérogène, ajoutant qu’il allait former un pourvoi en cassation.
Les neufs accusés ont pour point commun d’avoir été impliqués dans le Comité permanent amiante (CPA) entre 1982 et 1995. Dissoute dans les années 1990, cette structure informelle, organe de lobbying des industriels, a promu « l’usage contrôlé » de la fibre cancérogène pour en retarder autant que possible son interdiction, survenue en France en janvier 1997.
Les protagonistes avaient obtenu l’annulation de leur mise en examen par la cour d’appel de Paris le 4 juillet 2014. Une décision invalidée par la Cour de cassation le 14 avril 2015, qui avait alors renvoyé les dossiers devant la chambre de l’instruction.
"Apathie des juges"
Aux yeux de leur défense, aucune faute ne peut être imputée aux accusés. Les avocats s’appuient notamment sur une décision de la Cour de cassation qui a définitivement mis hors de cause huit personnes – dont Martine Aubry – dans le dossier de l’usine Ferodo-Valeo de Condé-sur-Noireau (Calvados), estimant qu’aucune négligence ne pouvait leur être reprochée.
« Cette nouvelle décision confirme malheureusement l’apathie des juges à vouloir juger cette catastrophe sanitaire sans précédent », a regretté de son côté François Desriaux, vice-président de l’Association nationale des victimes de l’amiante (Andeva).
Les autorités sanitaires imputent à l’amiante 10 % à 20 % des cancers du poumon. Selon elles, l’exposition à la fibre pourrait provoquer jusqu’à 100 000 décès d’ici à 2025. D’après l’Andeva, 3 000 personnes en meurent chaque année.