Mauvaise nouvelle sur le front de l’alimentation. Pour la première fois depuis longtemps, le nombre de personnes souffrant de la faim repart à la hausse. En 2016, 815 millions d’individus n’ont pas mangé suffisamment. C’est sans doute la donnée la plus alarmante qui émerge du dernier rapport sur la sécurité alimentaire dans le monde, émis par l’Organisation des Nations Unies et ses agences spécialisées. Ce recul menace les Objectifs de 2030 pour le développement durable.
L’ONU a fixé le cap dès 2015 : d’ici 15 ans, la famine et la sous-alimentation doivent être éradiqués de la planète. Une ambition qui était, jusqu’ici, sur la bonne voie. Mais les dernières observations font retomber l’espoir. Entre 2015 et 2016, le nombre de personnes sous-alimentées a augmenté. Ce sont désormais 11 % de la population mondiale qui souffrent de la faim.
Source : FAO
Des conflits insolubles
Résultat direct de ce manque de disponibilité : les plus jeunes ne grandissent pas comme ils le devraient. 23 % des enfants de moins de 5 ans souffrent ainsi d’un retard de croissance. Et 52 millions sont en sous-poids par rapport à leur taille.
Les dernières années ont été marquées par l’émergence de nombreux conflits régionaux, explique l’ONU dans son rapport. Et nombre de ceux-ci ont déséquilibré une situation déjà délicate. Le Yémen, par exemple, est confronté à une guerre civile qui n’en finit pas. A ce fléau se sont ajoutés, plus récemment, des catastrophes naturelles d’ampleur : inondations, pluies torrentielles et cyclones tropicaux ont aggravé l’insécurité alimentaire dont souffre la population yéménite.
« Au cours de la dernière décennie, les conflits se sont faits plus nombreux, plus complexes et plus insolubles, soulignent les présidents des organisations qui signent ce document. Nous ne mettrons pas fin à la faim et à la malnutrition d’ici 2030 si nous ne trouvons pas une solution à tous les facteurs qui ébranlent la sécurité alimentaire et nutritionnelle. » La solution : assurer une paix durable dans les pays touchés, ainsi qu’une égalité dans l’accès aux denrées alimentaires.
Les catastrophes naturelles en hausse
Car les inégalités sont flagrantes à l’échelle mondiale mais aussi régionale. Certaines zones sont démesurément impactées par l’insécurité alimentaire et la sous-alimentation. Sur le continent africain, 20 % de la population ne mangent pas à leur faim. En Amérique latine, ils ne sont que 6,5 % à souffrir du même problème.
Mais les conflits ne sont pas la seule cause à cet accès difficile. Des zones plus paisibles, comme l’Amérique latine, sont aussi menacées par des phénomènes climatiques naturels - comme El Niño, à l’origine d’inondations ou de sécheresse. Ceux-ci affectent la quantité de récoltes ainsi que leur qualité. Ce qui favorise, outre la sous-alimentation, la survenue d’une malnutrition – c’est-à-dire une carence en macronutriments et en micronutriments. L’anémie est particulièrement problématique chez les femmes enceintes.
Des facteurs cumulés
Climat et conflits sont à blâmer, mais le changement des habitudes alimentaires a aussi de quoi inquiéter l’ONU. Surtout s’il se combine aux éléments préexistants. Or, la mainmise de l’industrie agro-alimentaire sur le marché a des effets pervers.
En favorisant l’accès à des aliments préparés, les fabricants et distributeurs limitent l’accès aux modes de consommation traditionnels. Et le surpoids explose, surtout dans les régions les plus favorisées. Ainsi, le taux d’obésité atteint 28 % en Amérique du Nord, en Europe ou en Océanie. A l’inverse, des régions comme l’Asie et l’Afrique sont moins affectées.
Le problème, c’est que les facteurs de risque ont tendance à s’accumuler et le terme de malnutrition peut décrire des réalités très différentes selon les pays. En Egypte ou en Irak, par exemple, plus de 20 % des enfants de moins de 5 ans sont en retard de croissance… et la même part de la population adulte est concernée par une obésité. En fait, seuls deux pays ne sont confrontés qu’à une seule cause de malnutrition : le Japon et la Corée du Sud.