Volontaires, mais mal informés. Les Français se montrent plutôt enthousiastes à l’idée d’aider la recherche contre Alzheimer. Lorsqu’il s’agit de passer à l’acte, ils se montrent pourtant moins présents.
Selon le dernier observatoire du Leem (1), les essais cliniques dédiés à cette maladie neurodégénérative ont du mal à recruter des volontaires. Un paradoxe, puisque 80 molécules sont en cours d'essai clinique.
Qui organise les recherches sur Alzheimer ? Comment les intégrer ? Quels sont les critères de recrutement ? Autant de questions auxquelles les Français n’ont pas de réponse, ce qui les freine dans leurs démarches. 87 % d’entre eux ignorent tout simplement vers qui se tourner pour les obtenir, d’après un sondage réalisé par la fondation Vaincre Alzheimer (2).
A l’occasion de la Journée mondiale contre la maladie d’Alzheimer, Pourquoidocteur fait le point.
Un échange difficile
Sur le papier, les Français ne sont pas opposés à l’idée d’intégrer une étude sur Alzheimer. Un peu plus de la moitié des sondés y sont favorables. Et leurs motivations sont pour le moins honorables : ils veulent en majorité aider la recherche ou être actif dans la lutte contre la maladie. Bon nombre y voient aussi un intérêt plus personnel, comme améliorer son état de santé ou bénéficier d’un suivi renforcé.
Pour le Dr Maï Panchal, directrice scientifique de la fondation Vaincre Alzheimer, ce constat est rassurant. « Les neurologues cliniciens nous ont interpellé sur la volonté des patients de participer aux essais cliniques, explique-t-elle. Mais elle n’était pas réellement motivée. »
Ces spécialistes l’ont affirmé : ils ont besoin d’outils pour les assister dans le recrutement. Car les malades sont très peu informés sur la possibilité d’intégrer un essai clinique. Résultat, les idées reçues circulent et les craintes persistent. Parmi les Français qui refuseraient de se porter volontaires, la majorité évoque les risques de tester une molécule.
Convaincre les aidants
Mais convaincre ces personnes ne suffit pas toujours. L’avis des proches aidants figure aussi parmi les moteurs du refus. Là encore, le défaut d’information explique ces réticences. Une solution existe donc : les associer à la prise de décision.
« Le fait qu’ils viennent aux réunions d’information leur apporte beaucoup d’informations et peut les faire changer d’avis, développe le Dr Maï Panchal. C’est important, parce que l’entourage doit être informé. »
De fait, ces soupçons ont un poids majeur dans l’intégration d’un essai clinique, car ils n’occupent pas seulement une place consultative. Ils participent, en même temps que leur proche malade, aux recherches.
Trouver le bon interlocuteur
Afin d’améliorer le niveau de connaissance, de courts films ont été tournés pour le compte de la Fondation, sur différents thèmes. A chaque fois, des malades reviennent sur leur expérience. « On s’est rendus compte que le patient est assez sensible aux témoignages d’autres personnes dans le même cas », argumente Maï Panchal.
Ce visionnage est l’occasion de faire le point sur les conditions de recrutement. La moitié des Français pense, à tort, que toute personne peut postuler à un essai clinique. En fait, les patients aux stades modéré ou avancé de la maladie sont rarement inclus. La plupart des travaux en cours portent sur les stades précoces de la pathologie.
Ces vidéos revêtent un autre intérêt : orienter les volontaires vers les bons interlocuteurs. Bon nombre de ceux-ci estiment que leur médecin traitant est un interlocuteur approprié. « En fait, il suffit de contacter le Centre Mémoire de Ressources et de Recherche (CMRR) de la région pour arriver à obtenir un premier rendez-vous et savoir si on peut être inclus dans un essai clinique. » Et aider, peut-être, à la découverte d’un traitement efficace contre la maladie d’Alzheimer.
Une recherche en progression
"La recherche contre Alzheimer manque de dynamisme. Les essais sont tous voués à l'échec". Les critiques pleuvent à l’encontre des travaux sur la maladie. Un discours pessimiste qui ne reflète pas la réalité, selon Maï Panchal. La directrice scientifique de la Fondation Vaincre Alzheimer invite les déçus à tirer les enseignements des échecs. « La recherche est très dynamique, mais il faut pouvoir expliquer les échecs », résume-t-elle.
La chercheuse évoque « un décalage entre les avancées de la recherche et les essais cliniques en cours. » Les essais cliniques menés dans les années 2000 résument bien cela : ils ont démarré avant l’adoption des méthodes de diagnostic précoce. A leur fin – décevante – les chercheurs se sont aperçus qu’un tiers des patients n’étaient en réalité par atteints d’Alzheimer.
Ces échecs sont donc riches en avancées potentielles. Ils ont permis de comprendre que les patients devaient être inclus à un stade précoce de la maladie, voire avant son déclenchement. « On essaie d’enrôler des personnes atteintes de façon très légère, explique Maï Panchal. On espère bien obtenir un traitement d’ici 2025. »
(1) Les Entreprises du médicament (Leem) : syndicat représentant les entreprises de l’industrie pharmaceutique.
(2) Sondage réalisé pour la fondation Vaincre Alzheimer auprès de 1 000 personnes âgées de plus de 18 ans interrogées par Internet.