Il n’a d’accord que le nom… Le CETA, traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, entre en vigueur ce jeudi, malgré les nombreuses protestations qu’il génère au sein de la société civile et des organisations professionnelles et associatives. Pour des raisons variées, des structures très différentes réclament l’abandon de cet accord négocié dans la plus grande opacité, selon un processus démocratique fort discutable.
Emmanuel Macron avait promis de tenir compte des remarques formulées par une commission mise en place en juillet afin d’évaluer l’impact du CETA sur l’environnement, le climat et la santé. Les conclusions de ce groupe de réflexion ont été rendues début septembre. Elles ne sont pas favorables à l’implantation, en l’état, de cet accord de libre-échange qui s'applique à partir de ce jeudi.
Exit le principe de précaution ?
De fait, c’est en Europe que l’on trouve les règlementations les plus strictes en matière de protection environnementale et sanitaire – et encore, les législations sont souvent timides et fragiles. Le CETA risquerait de balayer ces normes sanitaires que l’Europe a mis tant de temps à construire car, comme le souligne le rapport, « il existe des différences majeures d’évaluation et de gestion du risque en matière de santé publique entre l’UE et le Canada ».
Il en va ainsi du principe de précaution, selon lequel certaines substances chimiques ne peuvent accéder au marché européen en raison d’un risque soupçonné. En Amérique du Nord, un produit peut être autorisé « tant que la science n’a pas clairement démontré sa nocivité », souligne le rapport. Or, le CETA reste suffisamment flou sur la question pour craindre une explosion du principe de précaution (qui n’est jamais mentionné dans l’accord) et l’introduction future en Europe de substances potentiellement toxiques.
« La capacité des États à réglementer dans le domaine de l’environnement et de la santé est préservée par principe », écrivent les rapporteurs, qui se montrent malgré tout très méfiants. « On ne peut exclure que les imprécisions du CETA conduisent à l’arrivée sur le marché européen de produits autorisés en vertu d’une réglementation ne prenant pas en compte le principe de précaution. »
Alimentation : le choc des normes
Autre divergence inquiétante : les normes relatives à la chaîne alimentaire, visant à garantir la sécurité des denrées pour le consommateur. Deux visions s’opposent ici, comme le souligne le rapport. L’Europe a fait le choix de maîtriser les risques sanitaires tout au long de la chaîne, de la production à la mise en rayons.
Au contraire, la conception nord-américaine, dite hygiéniste, « privilégie le traitement (thermique, physique ou chimique) de décontamination à un stade donné de la production (pasteurisation, ionisation, utilisation de substances chimiques…) sans condition particulière de maîtrise sanitaire en amont ni en aval du traitement ».
Le rapport parle d’un « antagonisme » problématique. Le consommateur européen, lui, invoque immédiatement l’image du poulet OGM gavé aux antibiotiques et lavé à la Javel ; et il n’a, visiblement, pas complètement tort. En revanche, le Canada n’aura pas le droit d’exporter en Europe des viandes élevées aux hormones anabolisantes et aux des bêta-agonistes (ractopamine)… jusqu’à ce que le dossier soit réouvert, en l’absence de mention relative à cette problématique au sein de l’accord.
Pesticides à la hausse
En fait, le CETA se montre particulièrement taiseux sur des questions d’importance capitale : l’alimentation des animaux (utilisation de farines animales et de maïs et soja OGM, résidus de pesticides…), l’utilisation des médicaments vétérinaires (notamment des antibiotiques) en élevage, le bien-être des animaux (élevage, transport et abattage), liste le rapport.
L’Europe, en proie à des débats intenses sur l’utilisation des pesticides, en peine pour renouveler l’autorisation du glyphosate dont les citoyens ne veulent plus, devra compter avec les nouvelles réglementations induites par le CETA. « On peut craindre que les mécanismes de coopération pour harmoniser des limites maximales de résidus (LMR) de pesticides autorisés dans les produits agricoles et alimentaires entraînent une harmonisation vers le bas », lit-on encore.
Alors que les consommateurs européens réclament une alimentation plus sûre et des lois plus protectrices, le CETA apparaît comme une menace pour la santé publique. « Actuellement très fragile, [leur] confiance peut être ébranlée par la connaissance des modes de production canadiens qui ne respectent pas les normes exigeantes en vigueur dans l’UE, déjà souvent considérées comme insuffisantes par les citoyens européens », relatent les rapporteurs, lucides.