« Comment ne pas être déprimé par le traitement qui nous est réservé ? Nous sommes rongés par cette vision profondément négative qui règne autour de notre industrie en France. Quoi que l’on fasse, quoi que l’on dise, ce sera toujours mal. Les 100 000 employés de notre secteur souffrent, cela s’en ressent jusque dans leurs relations sociales. Alors, écoutez-nous un peu ».
Patrick Errard ne mâche pas ses mots. Le président du Leem, syndicat des industriels du médicament, présentait ce lundi une campagne à destination du grand public. Quinze ans que le secteur ne s’était pas exprimé auprès de Monsieur Tout-le-Monde. Autant d’années passées à mesurer le sentiment de défiance qui s’est installé dans la population envers les entreprises du médicament.
Des intentions louables
Sondage BVA à l’appui, le Leem a voulu combler une demande : neuf Français sur dix attendent des laboratoires pharmaceutiques « plus de communication sur leurs recherches et découvertes ». La campagne s’inspire de ce constat. Elle s’affichera dans le métro, à la télévision, dans la presse écrite. « La maladie ne dort jamais, nous non plus », scande le slogan, flanqué d’un hashtag #SansRépit.
« Les femmes et les hommes qui travaillent dans la santé sont mus par une philosophie, une volonté d’être utiles », a insisté Patrick Errard, en se rappelant à son souvenir la sortie de ces traitements qui ont bouleversé la médecine et la survie des patients – le taxotère, l’imatinib, le nivolumab, la cyclosporine...
La campagne insistera donc sur les nouveaux traitements à l’étude dans une dizaine de pathologies – celles qui inquiètent le plus les Français, cancers et Alzheimer en tête. Elle mettra en avant les intentions louables des employés de l’industrie pharmaceutique, « pour que le médicament et l’innovation ne soient plus vus qu’au travers de l’attaque ». Mais en évitant soigneusement les sujets qui fâchent.
"Trop technique"
C’est là le talon d’Achille de cette campagne. Tant qu’à interroger les Français sur leur perception de l’industrie et des médicaments, le Leem aurait pu brasser les sujets qui les préoccupent : la question de la transparence, la fixation du prix des médicaments, notamment des thérapies innovantes, dont les coûts représentent un défi pour la Sécurité Sociale – en témoigne encore le dernier rapport de la Cour des Comptes.
Mais ce n’était pas là des sujets prioritaires, pour le syndicat. Trop technique, trop complexe, a expliqué Patrick Errard, qui déplore que l’ « on ne parle des médicaments qu’au travers des prix et de l’opacité » et qui estime qu’il existe « un problème de confiance d’ordre émotionnel, sur lequel il faut envisager un message émotionnel ». L’heure n’est pas à l’explication de texte, en somme, mais à la prise de contact amicale.
Le président du Leem a toutefois voulu rassurer. « Cette campagne n’est pas exclusive, ce n’est pas ceci à la place de cela, a-t-il expliqué à Pourquoi Docteur. C’est un préalable pour rentrer dans une communication plus technique et rationnelle, plus pédagogique. Mais je reste convaincu que s’il n’y a pas une forme d’humanisation de ceux qui communiquent, s’il n’y a pas une charge émotionnelle et un message de confiance entre les industriels du médicament et la société civile, alors tout ce que l’on pourra dire de plus rationnel et documenté ne sera pas audible ».