Le petit sifflement dans les oreilles à la suite d’une sortie en boîte, d’un concert, ou d’une soirée dans un bar bruyant n’est jamais très rassurant. Les ORL alertent depuis des années la population sur les risques liés à l’exposition à des bruits d’une intensité trop élevée, et des normes strictes ont été imposées aux établissements de nuit, afin de préserver l’audition.
D’après une étude menée à l’université du Texas, et publiée dans la revue Frontiers in neuroscience, une exposition ponctuelle lors d’une soirée où la musique est forte ne suffirait pas à entraîner des dommages sur le nerf auditif, et ne provoquerait pas de perte d’audition permanente.
Sur les humains, en conditions réelles
De nombreuses études montrent pourtant l’inverse. Mais elles ont été menées sur des souris, exposées à des sons très intenses, critiquent les chercheurs. « D’autres recherches, effectuées à des niveaux sonores plus faibles, ne montraient aucun dommage neuronal », explique le Pr Colleen Le Prell, spécialiste de l’audition à l’université du Texas (États-Unis).
Pour trancher, le Pr Le Prell et son équipe ont suivi 32 jeunes adultes sans problème auditif. Ils ont testé leur audition avant un événement bruyant (concert, festival de musique sur plusieurs jours, soirée dans un bar avec un groupe ou de la musique électronique, ou film au cinéma), puis le lendemain, et enfin une semaine plus tard.
Les tests effectués comprenaient un audiogramme, des tests sur la cochlée, le nerf auditif, et surtout un test « d’effet cocktail », c’est-à-dire la capacité à détecter et comprendre les paroles d’une personne dans un brouhaha.
Pas de séquelles une semaine plus tard
Le lendemain des événements, l’audition des fêtards avait baissé. Les seuils de détection lors des audiogrammes étaient plus élevés. « Mais cet effet était généralement léger, et avait disparu une semaine plus tard », notent les chercheurs. De la même manière, les tests d’effet cocktail étaient moins bons dans les 24 h, mais cette perte de performance disparaissait dans la semaine.
Aucun dommage au niveau des nerfs auditifs n’a été observé, pas même le lendemain. « Malgré les appels alarmistes des media et dans la littérature scientifique, nous n’avons trouvé aucune preuve que l’exposition à des bruits récréatifs typiques étaient associée à une perte auditive permanente ou à une baisse du niveau de compréhension d’un discours perdu dans un bruit de fond », explique le Pr Le Prell.
Le bruit reste dangereux
Mais attention, les chercheurs insistent sur le fait que leurs résultats ne signifient pas que l’exposition au bruit est sans danger. Ils expliquent simplement que pour des événements isolés, dans des conditions classiques de virées nocturnes, l’audition semble être la même, avant et après l’exposition.
« Nous ne savons pas où placer la limite chez l’humain, entre l’exposition récréative au bruit, et l’exposition dangereuse, précise le Pr Le Prell. Nous ne savons pas non plus comment – ni même si – le risque de dommages varie avec la fréquence et la répétition de l’exposition, comme chez les personnes qui subissent le bruit quotidiennement dans un environnement de travail bruyant. »
Les casques plus dangereux que les discothèques ?
Quelles que soient les conditions, elle ajoute que toute personne qui ressent des changements dans son audition ou des acouphènes doit se protéger.
Dans les pays à haut et moyen revenu, la moitié des jeunes (12-35 ans) s'exposeraient à des niveaux sonores dangereux. Si les bars et les discothèques sont souvent pointés du doigt, ce sont surtout les smartphones, et l’écoute de musique via un casque, qui seraient les plus dangereux pour les oreilles.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit une exposition à 85 décibels pendant 8 heures, ou à 100 décibels pendant 15 minutes comme dangereuse. Ainsi, selon ses estimations, plus d’un milliard de jeunes adultes et adolescents risquent de dégrader leur audition.