Le VIH n’est pas seulement un danger pour les jeunes générations. En Europe, près de 55 000 baby-boomers ont découvert leur séropositivité au cours des 12 dernières années, soit 2,6 personnes pour 100 000. En 2015, 1 nouveau cas sur 6 a concerné un homme ou une femme de plus de 50 ans, rapporte une étude du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) publiée dans The Lancet HIV.
Au cours de cette décennie, le nombre de nouvelles infections au sein de cette tranche d’âge aurait augmenté de 2,5 % chaque année, alors qu’elle est restée quasi stable chez les 15-49 ans, précise l’étude.
Diagnostiqués plus tardivement
Ce phénomène est observé depuis plusieurs années au Canada, aux Etats-Unis, en Europe de l’Est et Centrale. Une hausse liée à la fois à l’allongement de l’espérance de vie des séropositifs traités par antirétroviraux, et à la détection de nouveaux cas.
Des nouveaux malades à prendre en charge qui seraient plus mal en point que les 15-49 ans. Leur séropositivité serait, en effet, découverte à un stade plus tardif, signe que l’infection est ancienne mais qu’elle n’est repérée qu’au moment où les premiers symptômes apparaissent. Cependant, le rapport de l’ECDC pointe que près de la moitié des infections diagnostiquées en Europe sont à un stade avancé.
Pour déterminer leur profil, les chercheurs se sont appuyés sur les données collectées par les 28 pays de l’Union européenne, ainsi que l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège. Ils ont pu comparer le taux de nouvelles infections chez les seniors et les personnes de 15 à 49 ans, et l’origine de l’infection.
Moins de contaminations chez les jeunes en France
Entre 2004 et 2015, le taux de nouvelles infections chez les plus de 50 ans a surtout augmenté dans 16 pays d’Europe (1) . En revanche, une baisse a été observée au Portugal, bien qu’en 2015, ce pays d’Europe du Sud ait enregistré une hausse importante.
Au cours de la même période, 312 501 cas chez les 15-49 ans ont été dépistés, soit 11 personnes pour 100 000. Dans cette tranche d’âge, la notification des nouveaux cas est restée stable. Elle a toutefois augmenté dans 12 pays (2).
Mais bonne nouvelle, la découverte de nouvelles infections a diminué en Autriche, France, Norvège, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni.
(1) Allemagne, Belgique, Bulgarie, Estonie, Grèce, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Malte, Norvège, Pologne, République Tchèque, Roumanie, Royaume-Uni et Slovaquie.
(2) Allemagne, Bulgarie, Croatie, Grèce, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République Tchèque, Roumanie, Slovaquie.
Rapports hétérosexuels à risque à 50 ans
Il apparaît que le profil des malades varie en fonction de l’âge. Selon ce rapport, les plus de 50 ans sont plus susceptibles d’être infectés lors de rapports hétérosexuels. Résultat : la hausse des nouvelles infections concerne les deux sexes.
Alors que chez les plus jeunes, ce sont les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes qui sont les premières victimes. Les nouveaux cas sont surtout rapportés chez les hommes et jeunes garçons, alors que les femmes et jeunes filles sont de moins en moins touchées.
« Nos résultats suggèrent que l’épidémie de VIH évolue dans une nouvelle direction, a commenté le Dr Lara Tavoschi, responsable de l’étude. La méconnaissance de l’infection et du mode de transmission ainsi que la faible perception des risques chez les seniors peuvent expliquer cette évolution. L’idée que les seniors ne sont pas à risque est aussi partagée par certains professionnels de santé qui se concentrent sur les plus jeunes. Notre étude montre que toutes les tranches d’âges doivent être ciblées. »
Pour la chercheuse, il est primordial de développer des messages de prévention destinés spécifiquement aux baby-boomers. Il faut également rendre l’éducation sexuelle, les préservatifs et les moyens de dépistage plus accessibles. Le déploiement des tests d’auto-dépistage devrait permettre un meilleur accès, mais aussi permettre de détecter plus tôt les infections.
« Une fois que tout cela serait fait, nous pourrons prévenir de nouvelles transmissions et réduire le risque de complications sévères, qui revêt une importance capitale chez les patients âgés car leur mortalité est plus élevée que celle des jeunes patients », a expliqué cette spécialiste.