Voilà plus de 40 ans que la guerre du Vietnam (1955 et 1975) s’est achevée. Mais la population locale en subit encore les conséquences. L’agent orange, utilisé par les États-Unis comme herbicide pour dégager des terrains de bataille recouverts par la jungle, ferait encore des victimes.
Une étude conjointe de l’université de Kanazawa (Japon) et du ministère de l’Environnement vietnamien a montré que les nourrissons des zones les plus contaminées, notamment via le lait de leurs mères, avaient des taux hormonaux trois fois supérieurs à la normale. Ce qui présente des risques importants sur leur santé.
Des dioxines dans l’environnement
L’agent orange a été utilisé par l’armée américaine tout au long des années 1960 au sud du Vietnam, au Laos et au Cambodge, à grande échelle. L’herbicide fait notamment tomber les feuilles des arbres, et permettait aux armées du Sud-Vietnam, des États-Unis et de leurs alliés de manœuvrer plus facilement.
Mais il contient des dioxines, des substances très stables dans le temps, et qui persistent dans l’environnement. Dans les zones contaminées, ils ont intégré les sédiments, et donc la chaîne alimentaire, à long terme.
Perturbateurs endocriniens
« Des décennies de développement industriel et d’épandages pendant la guerre du Vietnam ont fait grimper les taux de dioxine dans le sol et l’atmosphère, et la population absorbe ces produits chimiques par la nourriture qu’elle mange et l’air qu’elle respire », explique le Pr Teruhiko Kido.
Des études ont déjà montré un lien entre la présence d’agent orange et le développement de cancers de la prostate et du poumon, mais aussi de diabète, de cécité ou de malformations congénitales.
Les populations locales, mais aussi les civils et militaires américains et alliés, ont été contaminés. Les dioxines peuvent être stockées dans la graisse, et donc être relâchées dans l’organisme bien longtemps après la contamination.
La nouvelle génération sera touchée
« Nous savons que les dioxines impactent notre système hormonal, poursuit le Pr Kido. Nous voulions donc savoir si elles pouvaient passer de la mère à l’enfant ». L’agent orange altère en particulier la production d’une hormone, la déhydroépiandrostérone (DHEA). Les chercheurs ont donc analysé les niveaux de DHEA chez 104 femmes et leurs nourrissons. Certaines venaient du Nord-Vietnam, dans une zone épargnée par l’armée de l’air américaine – non contaminée –, et d’autres de la ville de Bien Hoa, où les Américains stockaient l’agent orange, et qui a connu plusieurs fuites et où la contamination est importante.
Chez les bébés de cette dernière région, les taux enregistrés étaient trois fois plus élevés que ceux des régions non contaminées. Ce qui suggère, d’après les chercheurs, que la dioxine passe de la mère à l’enfant via le cordon ombilical, et le lait maternel. « Notre étude confirme que les enfants sont particulièrement sensibles et vulnérables aux toxines de l’environnement qui ont affecté leurs parents, et même les générations précédentes », poursuit le Pr Kido.
Un rapport de l’Unesco rapporte qu’au moins 20 % des forêts y auraient été détruites par des herbicides. Quarante-deux ans après, la guerre du Vietnam n’est toujours pas terminée pour les habitants du sud. Et la génération suivante risque, elle aussi, d’être impactée.