Ce jeudi, le Neurocampus de Bordeaux a été officiellement achevé, avec l’inauguration du centre Broca. Fort de ses 650 chercheurs français, mais aussi Européens et internationaux, le centre, qui réunit le CHU de Bordeaux, des équipes de l’Inserm, du CNRS et de l’Inra, le groupement se présente comme un pôle d’excellence de la recherche en neurosciences.
Le centre Broca inauguré ce jeudi aura coûté 67 millions d’euros, financé en grande partie par le conseil régional. Il regroupe désormais des activités allant de la recherche fondamentale à la clinique, de la cellule en laboratoire au patient à l’hôpital.
Par son étendue d’activités et son attractivité, les responsables du Neurocampus de Bordeaux souhaitent qu’il concurrence les centres de recherche européens, voire les universités américaines.
Christophe Mulle, directeur de la structure, explique à Pourquoidocteur le cheminement et les enjeux du regroupement d’activités sur le campus de Bordeaux.
Quelles seront les activités du centre Broca ?
Christophe Mulle : Il s’intègre à un véritable campus, avec des bâtiments reliés les uns aux autres, avec des laboratoires de recherche, une école des neurosciences, et le CHU de Bordeaux, donc en lien direct avec l’aspect clinique de la recherche. Il y a, en tout, 50 équipes avec chacune sa spécialité. C’est un centre multidisciplinaire disposant d’une multitude d’expertises. Au sein de ces équipes, de grands thèmes ressortent : les maladies neurodégénératives, comme Parkinson ou Alzheimer, et les mécanismes de l’addiction. Nous tentons également de faire rentrer le numérique dans les technologies liées aux neurosciences sur des sujets comme le sommeil.
Comment la ville de Bordeaux est-elle devenu une référence nationale en neurosciences ?
Christophe Mulle : L’histoire des neurosciences à Bordeaux est assez ancienne. Le nom de Broca n’a d’ailleurs pas été choisi par hasard, puisqu’il était originaire de Bordeaux (Paul Broca était un médecin du 19e siècle qui a mené des recherches en neurologie, ndlr).
Plus récemment, cela fait 20 ans que la communauté des chercheurs en neurosciences de Bordeaux a commencé à se développer, notamment avec l’inauguration d’un bâtiment de l’Inserm qui leur était spécifiquement destiné. C’est ce qui a attiré de nombreuses équipes vers Bordeaux, dont la mienne.
Nous avons aussi eu un soutien extrêmement régulier et important du Conseil régional d’Aquitaine, à l’époque, pour nous équiper et faire venir de nouvelles équipes. Ensuite, en 2008, nous l’avons convaincu d’investir de manière massive dans les neurosciences, et c’est pour cela que le Conseil régional a financé le bâtiment Broca.
Cette structure est-elle capable de rivaliser à l’international ?
Christophe Mulle : C’est l’idée. Au niveau national, nous avons déjà une très bonne visibilité. Nous avons réussi à faire quelque chose de collectif, avec le soutien des pouvoirs publics et de l’Inserm, du CNRS et de l’Inra. L’aspect communautaire est visible, car nous sommes tous regroupés autour de ce Neurocampus. Au niveau Européen, nous essayons aussi d’être à la hauteur. Et si le soutien se poursuit, nous devrions y arriver grâce à des équipes de chercheurs exceptionnels qui se sont formées, et une productivité excellente. Nous sommes sur un standard international.
À l’occasion de l’inauguration, nous avons organisé un congrès international sur le passé, le présent et le futur de la recherche en neurosciences. Les nombreux chercheurs de haut niveau en provenance du monde entier qui étaient présents étaient tous estomaqués par l’évolution des neurosciences bordelaises au cours des 15 à 20 dernière années.
Ce regroupement par grands pôles est-il l’avenir de la recherche française ?
Christophe Mulle : Je pense que c’est une direction que les choses prennent, en effet. Les grosses universités françaises ne peuvent plus se permettre de saupoudrer les moyens sur tous les thèmes, et elles se focalisent sur certains axes forts. Le Grand Emprunt oblige à concentrer des moyens sur certaines disciplines, et dans certains endroits. On ne peut pas se passer de cet effet structurant, et donc de faire des choix sur les thématiques à développer. Et le Conseil général l’a bien compris. Au départ, il souhaitait investir dans la cancérologie. Un audit a été commandé, ce qui lui a fait changer d’avis au profit des neurosciences, car il existait déjà un tissu de recherches bien installé.
L’attractivité reconnue de Bordeaux aide-t-elle à attirer des chercheurs ?
Christophe Mulle : Nous sommes arrivés au bon moment, à une époque ou Bordeaux a commencé à changer de look. J’ai débuté mes études à Bordeaux, et il y a 20 ans, c’était une ville qui n’était pas du tout attractive. Elle était bourgeoise, endormie, sale… Nous arrivons maintenant à attirer des gens grâce à la qualité de la vie, et de la ville. Les post-doctorants sont ravis d’être à Bordeaux, car c’est une belle ville, de bonne taille, où il se passe plein de choses. C’est un argument qui nous sert !