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Lutte contre l'antibiorésistance

Antibiotiques : la vente à l'unité améliore le suivi du traitement

Par Anne-Laure Lebrun

La vente à l'unité d'antibiotiques permet d'améliorer l'adhérence au traitement. En réduisant l'automédication, il est possible de lutter contre l'antibiorésistance.

DragonImages/epictura

La vente d’antibiotiques à l’unité permettrait de lutter contre l’antibiorésistance, selon une expérimentation française décrite dans Plos One. Commandée par le ministère de la Santé, cette étude montre également que ce mode de distribution améliorerait l’adhérence au traitement. Des résultats intéressants qui proposent un nouvel angle d’attaque contre l’émergence de nombreuses souches bactériennes multirésistantes.

Ce phénomène « constitue un enjeu majeur de santé publique dans de nombreux pays européens », notent les auteurs. La France, l’un des plus gros consommateurs d’antibiotiques d’Europe, est aussi l’un des plus concernés par cette menace. Chaque année, 12 000 décès seraient liés à ces infections résistantes.

Cette hécatombe est largement liée à la consommation d’antibiotiques en médecine de ville. Plus de 90 % de ces médicaments précieux sont prescrits par des médecins libéraux. Or, environ un tiers de ces prescriptions seraient inutiles, selon la littérature scientifique.


Rationner les antibiotiques

Mais l’antibiorésistance n’est pas seulement le résultat d’ordonnances trop chargées. Le mode de distribution de ces médicaments est lui aussi mis en cause car la vente en boîte ne correspond pas toujours aux prescriptions. Les trousses à pharmacie des Français en sont la preuve : elles débordent de médicaments inutilisés. Ce qui favorise l’automédication mais aussi la contamination de l’environnement lorsque les patients se débarrassent de leurs cachets dans la poubelle classique.

C’est pour cette raison que le ministère a souhaité tester la vente à l’unité pour 14 antibiotiques. L’expérimentation a eu lieu durant un an entre novembre 2014 et novembre 2015 dans une centaine de pharmacies volontaires à travers la France (Ile-de-France, Limousin, Lorraine, Provence-Alpes-Côte d’Azur). Parmi ces officines, 25 ont continué à délivrer les antibiotiques par boîte. Elles constituaient le groupe témoin. Les autres ont distribuaient la quantité exacte de comprimés nécessaires au traitement.

En parallèle, les pharmaciens ont demandé à plus de 1 200 patients de donner leur avis sur ce nouveau mode de distribution. Ils ont également été questionnés sur leurs habitudes de recyclage de médicaments, d’automédication et leurs connaissances sur l’antibiorésistance.

Meilleure observance du traitement

Au cours de l’expérience, plus de 80 % des patients ont accepté de recevoir des antibiotiques à l’unité au lieu d’une boîte classique. Dans 60 % des cas, les pharmaciens ont donné moins de comprimés aux malades par rapport à ce qu’ils auraient délivré habituellement avec les boîtes (20 médicaments à l’unité en moyenne contre 23 avec les boîtes).

Cela a permis de réduire d’environ 10 % le nombre de médicaments délivrés, et indirectement réduire les coûts pour la Sécurité Sociale. Les patients ont également été plus enclins à suivre leur traitement jusqu’au bout (91 % des patients ayant reçu leur médicament à l’unité contre 65 % dans l’autre groupe).

Parmi les malades qui se sont rendus dans les officines témoins, près de deux sur dix ont admis qu’ils allaient garder les cachets présents en surplus dans les boîtes, et un sur dix a confié qu’ils les réutiliseraient sûrement sans prescription médicale. « Grâce à la vente à l’unité, il serait possible de diminuer l’automédication d’1,9 % », a soulevé l’étude.


Une promesse d'Emmanuel Macron

Pour les auteurs, ces bons résultats démontrent que les prescriptions médicales ne correspondent pas au conditionnement des antibiotiques, « malgré ce que peut affirmer l’industrie pharmaceutique ». Les laboratoires font notamment valoir que les boîtes de médicaments assurent une traçabilité et une meilleure information des malades, peut-on lire dans l’étude.

Lors de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron s’était prononcé en faveur de la vente à l’unité de médicament. Interrogé sur son application, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a expliqué attendre le retour des expérimentations en cours. Reprenant les arguments de l’industrie du médicament, la ministre a jouté que la vente à l’unité est un procédé « complexe » et qui pouvait présenter « des risques pour les malades.

En 2015, le rapport du Dr Jean Carlet sur l’antibiorésistance dénonçait lui aussi le conditionnement des antibiotiques et avait proposé de le modifier pour l’adapter aux ordonnances. Il avait également recommandé de limiter à 7 jours la prescription initiale d’antibiotique, indiquant que le patient devrait retourner chez son médecin si l’infection n’était pas traitée. Une mesure qui sans conteste visait à rationner le nombre d’antibiotiques délivrés aux Français.