La campagne de vaccination 2017-2018 contre la grippe saisonnière est ouverte. Pour l’hiver 2016-2017, moins d’un Français sur deux (46 %) avait été vacciné. Une couverture insuffisante pour protéger les personnes les plus fragiles. Le ministère de la Santé et Santé publique France tentent de la faire grimper, avec différentes stratégies.
Cette année, les Agences régionales de santé (ARS) des régions Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine lancent une expérimentation, pour trois ans. Les pharmaciens pourront vacciner les personnes se présentant avec un bon de vaccination ou une ordonnance de leur médecin. L’acte de vaccination ne leur était, jusqu’à présent, pas permis.
Un tiers des pharmaciens impliqués
« En Auvergne-Rhône-Alpes, environ 2 000 pharmaciens se sont inscrits auprès de l’ARS, dont 500 dans le département du Rhône », rapporte Véronique Nouri, présidente de la Fédération des syndicats pharmaceutiques du Rhône (FSPF69), département qui compte 585 officines. Ce qui représente environ un tiers des professionnels du département.
Les pharmaciens intéressés par l’expérimentation ont dû suivre une formation d’une journée, afin d’être informés sur les détails réglementaires, notamment sur les conditions matérielles d’accueil des patients, qui seront reçus dans une pièce fermée, isolée de l’officine.
Des médecins leur ont également rappelé le geste vaccinal et les recommandations d’interrogatoire. Les pharmaciens devront questionner les patients sur leurs allergies (à l’œuf et aux antibiotiques notamment). Ils devront également leur demander s’ils ont déjà été vaccinés contre la grippe.
Car c’est l’une des conditions de l’autorisation à vacciner. Les pharmaciens ne pourront réaliser l’injection qu’aux personnes qui ont déjà été immunisées dans le passé, lors d’une campagne précédente.
Un premier pas
Pour l’instant, l’intérêt est maigre pour les pharmaciens, et même contre-productif au niveau financier. Les ARS verseront une indemnité de 150 euros à ceux qui auront réalisé au moins cinq injections dans la saison. « La procédure ne se fait pas en 2 minutes, souligne Véronique Nouri. L’expérimentation n’est pas rentable pour nous, mais ce n’est pas pour cela que nous voulions nous impliquer. Ce n’est un premier pas ».
Pour les pharmaciens, cette responsabilisation dans le geste vaccinal était en effet une demande de longue date. Si l’expérimentation menée par les deux régions sert la couverture vaccinale, elle sert également à tester l’efficacité de l’implication des professionnels d’officine. « Au Canada ou aux États-Unis, ils sont autorisés à réaliser tous les vaccins », poursuit Mme Nouri.
Encore un peu d’attente
La présidente de la FSPF69 se réjouit donc de cette nouvelle perspective. Elle regrette néanmoins la cible désignée par l’Assurance maladie. Les bons de vaccinations sont envoyés aux personnes considérées à risque, et les prescriptions ne sont remises qu’aux personnes qui se rendent en consultation. Ils excluent donc de l’encouragement à la vaccination les jeunes et les actifs en bonne santé. « Pour protéger les personnes les plus fragiles, il faudrait que la couverture vaccinale dépasse les 75 %, explique-t-elle. Pour cela, il faudrait inclure cette population ».
Pour les autres, disposant d’un laisser-passer, il est désormais possible de se rendre en pharmacie. Mais Véronique Nouri recommande pourtant d’attendre encore un peu. « Les personnes vaccinées début octobre ne seront plus immunisées en mars, et la saison de la grippe n’a pas encore commencé », précise-t-elle.
Durant l’hiver 2016-2017, la grippe aurait touché environ 2,5 millions de personnes en France, d’après les chiffres de Santé publique France. L’agence sanitaire estime que 14 400 décès pourraient lui être imputés.
Le virus de la grippe, champion de la mutation
Il existe trois souches différentes pour la grippe : A, B et C. Les souches A et B sont les plus fréquentes, et ce sont celles contre lesquelles le vaccin est produit. Il doit être renouvelé chaque année. « Le virus de la grippe est le champion de la mutation, explique pour Le Supplément le Pr Bruno Lina, virologue et directeur du centre national de référence sur la grippe. C’est sa nature qui fait que, chaque année, une nouvelle souche est responsable de l’épidémie qui touche plusieurs millions de personnes en France. »
Le vaccin est fabriqué à partir de virus inactivés des années précédentes, et en particulier du dernier en date. L’Organisation mondiale de la santé suit les évolutions des mutations et fournit ses recommandations pour le vaccin de l’hiver à venir.
Cette année, il contient trois souches. Deux souches de type A, A/Michigan/45/2015 (H1N1) pdm09, et A/Hong Kong/4801/2014 (H3N2), ainsi qu’une souche de type B, B/Brisbane/60/2008.
L’efficacité du vaccin n’est cependant pas assurée. La production prend du temps, environ six mois. « Si le virus change entre-temps, il est trop tard pour adapter le vaccin », ajoute le Pr Lina. C’est ce qui s’est passé en 2014 : une épidémie tardive était survenue en avril-mai, alors que la fabrication avait déjà débuté. Le vaccin de la saison suivante manquait alors d’efficacité. En moyenne, et selon les années, elle se situe entre 50 et 70 %.
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Vaccination : en finir avec les doutes