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Etude Cannalex

Légalisation du cannabis : des effets mitigés sur la consommation

Par la rédaction

Le rapport Cannalex a évalué les effets de la légalisation, notamment sur les niveaux d’usages. Les résultats sont contrastés.

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Que faire quand des millions de citoyens consomment un produit psychoactif illicite ? Légaliser, au risque d’augmenter la consommation ? Pénaliser, au risque de manquer d’efficacité en terme de prévention, de prise en charge, d’accompagnement social ? La question est complexe. Alors que d’autres pays ont franchi le pas de la légalisation, évaluer ce modèle devient crucial – si ce n’est que pour en tirer les leçons et éviter de reproduire les mêmes erreurs en France.

C’est le but de Cannalex. Ce projet de recherche international, mené par l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) en partenariat avec l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), vient d’être publié. Les auteurs se sont attelés à décrire les effets de la légalisation du cannabis dans trois Etats : le Colorado et Washington, aux Etats-Unis, ainsi que l’Uruguay. Ses conclusions invitent à la prudence.  

Usages en hausse chez les adultes

Elles montrent d’abord des effets équivoques sur la consommation. Concernant les mineurs, les niveaux d’usage n’ont pas augmenté – ce qui constitue un point central de l’évaluation. En revanche, ils ont augmenté parmi les adultes.

« Dans l’État du Colorado, qui figurait déjà parmi les États américains les plus consommateurs, cette hausse touche particulièrement les consommateurs occasionnels et réguliers de cannabis âgés de 18 ans ou plus. L’évolution est particulièrement marquée parmi les plus de 25 ans, dont les niveaux de consommation dans le dernier mois ont rapidement augmenté (+ 45 % au Colorado). Cette tendance est plus contrastée dans l’État de Washington : la consommation de cannabis est restée stable, sauf chez les plus de 25 ans qui voient leur prévalence augmenter de manière significative ».

Ceci s’observe donc dans des Etats américains, qui ont opté pour un modèle ultralibéral de régulation du cannabis, dans lequel les points de vente privés se multiplient et la publicité peut viser les plus jeunes. Dans ces Etats, de nouveaux enjeux sanitaires sont d’ailleurs apparus.

Un marketing problématique

Ainsi, le rapport Cannalex montre dans ces deux Etats une « diversification de l’offre de cannabis », qui se vend sous forme de gâteaux, de bonbons, de boissons, d’huile très fortement dosée… « Cet essor rapide d’une offre légale polymorphe de cannabis, de plus en plus attractive et visible du fait de la publicité et du marketing (théoriquement interdits mais souvent contournés), fait peser quelques incertitudes sur les effets de la croissance de cette industrie émergente en termes de protection sanitaire de la jeunesse », indiquent les chercheurs.

Par ailleurs, les rapporteurs notent une recrudescence des passages aux urgences liés à des intoxications cannabiques. « Cette tendance s’explique notamment par des consommations mal maîtrisées d’edibles (cannabis [...], surtout parmi les touristes et, dans une moindre mesure, les plus jeunes (moins de 10 ans) et les plus âgés (surpris par de nouvelles formes de cannabis parfois fortement dosés) ».

L’étude fait également apparaître une baisse du risque perçu lié à l’usage de cannabis, une augmentation des cas de conduite après usage de cannabis et un recul des demandes de traitement parmi les plus jeunes dans les États du Colorado et de Washington. « Ces éléments suggèrent une plus grande acceptabilité sociale du cannabis, en particulier parmi les plus jeunes ».

Des pesticides dans l’herbe

En Uruguay, où les législateurs ont opté pour une régulation « stato-centrée » (organisée par l’Etat), la situation épidémiologique s’avère « moins nuancée », peut-on lire. Ainsi, tous les indicateurs de consommation sont orientés à la hausse (expérimentation, usage dans l’année, usage dans le dernier mois), y compris parmi les plus jeunes. « Il faut signaler toutefois qu’une des trois voies d’approvisionnement prévue par la loi (la vente en pharmacie) n’y était pas encore effective », expliquent les rapporteurs, qui jugent que l’évaluation complète des effets de la réforme ne sera possible qu’après la mise en place de la vente en pharmacie en juillet 2017.

Enfin, les auteurs de Cannalex insistent sur la question des risques environnementaux et sanitaires liés aux pesticides développés dans le cadre de cultures industrielles. L’institution en charge des normes de sécurité alimentaire (la Food and Drug Administration) « peine à fixer un cadre avec les départements de l’agriculture des deux États, si bien que le cannabis cultivé par la voie légale continue d’échapper aujourd’hui aux contrôles de qualité ».

Des parts d’ombre entourent donc le modèle de la légalisation, dont les effets pervers doivent être davantage évalués afin de songer à l’adopter. A noter que la comparaison des modèles possède des limites, tant les situations entre les Etats diffèrent.