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Bioéthique

La recherche sur les cellules souches embryonnaires bientôt autorisée

Par Cécile Coumau

Recalée en 2011 lors de l'examen des lois de bioéthique, l'autorisation des recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires pourrait finalement être votée. La communauté scientifique montre son impatience.

DURAND FLORENCE/SIPA
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Le 5 avril 2013 pourrait bien être une date à marquer d’une pierre blanche pour de nombreux chercheurs. La recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires pourrait en effet être autorisée. « Dans mon quotidien, cela ne changera rien, prévient immédiatement le Pr Philippe Ménasché, chirurgien cardiaque à l’hôpital européen Georges Pompidou (Paris). Nous travaillons depuis huit ans déjà sur les cellules souches embryonnaires. » Pourtant, Philippe Ménasché comme bon nombre de ses confrères, attend ce moment depuis plus de dix ans. Autoriser ces recherches, c’est reconnaître l’importance des travaux qui sont menés. Certes, il ne s’agit pour le moment que d’espoirs mais des espoirs majeurs : les cellules souches embryonnaires pourraient à l’avenir réparer le tissu endommagé du cœur, permettre des greffes de peau chez les grands brûlés, ou encore améliorer les techniques de procréation médicalement assistée.


Ecoutez le Pr Jean-Philippe Wolf
, chef du service de biologie de la reproduction de l'hôpital Cochin : " il faut que nous soyons autorisés à détruire quelques embryons parce que nous avons besoin de connaissances sur l'embryon humain".


Mais, c’est en ophtalmologie que les avancées les plus prometteuses ont été enregistrées. Deux patientes américaines malvoyantes atteintes de dégénérescence maculaire, ont subi un traitement expérimental à partir de cellules souches embryonnaires, elles auraient amélioré leur vue.

Autoriser ces recherches, c’est tout l’enjeu de la proposition de loi déposée par le parti radical de gauche. « Nous proposons de passer d’un régime d’interdiction assortie de dérogations, à un régime d’autorisation encadrée, explique le Dr Dominique Orliac, députée radical de gauche. Le texte voté en 1ère lecture au Sénat sera en débat à l’Assemblée nationale ce jeudi et si aucun amendement ne vient gripper la machine, un vote solennel est possible le 5 avril. Des années après le vote des lois de bioéthique, après l’organisation de forums citoyens sur le sujet, la France pourrait donc franchir ce cap grâce à une simple proposition de loi.


« Nous ne sommes pas des Frankenstein ! »
« Nous ne demandons pas à pouvoir faire n’importe quoi dans nos laboratoires, prévient tout de suite le Pr Jean-Philippe Wolf, chef du service de biologie de la reproduction de l'hôpital Cochin. Nous ne sommes pas des Frankenstein ! » Si la proposition de loi est votée, les chercheurs devront d’ailleurs continuer à demander une autorisation à l’Agence de biomédecine avant d’utiliser des cellules souches embryonnaires. Et les critères pour obtenir son accord, resteront inchangés : pertinence scientifique, finalité médicale, et impossibilité de mener ces recherches sans des cellules souches embryonnaires.



“Entre utiliser les embryons surnuméraires pour la recherche et les jeter à la poubelle, qu’est-ce qu’il y a de plus choquant ?
Pourtant, la proposition de loi du parti radical de gauche suscite beaucoup de remous. Des députés UMP ont alerté la presse la semaine dernière pour faire entendre leur critiques, sur le fond et sur la forme. Selon eux, l’autorisation des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires confère à l’embryon « un statut infra-humain ». Autrement dit, il est réduit à l’état de chose. « Je respecte ces réticences éthiques, déclare Philippe Ménasché. Mais, honnêtement, entre utiliser les embryons surnuméraires pour la recherche et les jeter à la poubelle, qu’est-ce qu’il y a de plus choquant ? »


Les opposants à la proposition de loi dénoncent aussi un examen législatif « en catimini ». Quelques heures de débat, certaines menées le soir devant peu de parlementaires, ce choix de société méritait mieux à leurs yeux. L’autre critique récurrente porte sur les espoirs de ces recherches. « On nous dit souvent : vous cherchez depuis très longtemps et vous n’avez toujours rien trouvé. Mais, c’est ridicule, s’insurge Philippe Ménasché. Dix ans pour de tels travaux, ce n’est pas beaucoup. »

Pour les scientifiques, les espoirs devraient porter leurs fruits et le premier d’entre eux n’est autre que le vote de cette proposition de loi. « Il faut passer à un régime d’autorisation encadrée pour en finir avec cette solution hypocrite qu’est l’interdiction assortie de dérogations, argumente Philippe Ménasché. Cela ne satisfait personne et la position de la France au niveau international n’est pas claire. » D’ailleurs, les jeunes chercheurs français sont parfois tentés de rester aux Etats-Unis pour échapper au régime d’interdiction.



Ecoutez Dominique Orliac
, députée du Lot, parti radical de gauche : "Beaucoup de jeunes chercheurs sont dépités par ce régime d'interdiction".


Quant aux plus anciens qui vivent au quotidien sous le régime de l’interdiction avec dérogations, ils ne désespèrent pas de voir certaines de leurs recherches aboutir. C’est le cas de Jean-Philippe Wolf. « Nous avons découvert une molécule qui augmente les capacités fécondantes des spermatozoïdes, raconte-il. Le brevet a été déposé en 2003. Nous sommes en 2013. Dix ans après on n’a toujours pas l’autorisation de le tester chez l’humain. C’est ahurissant ! »

Bien sûr, les cellules souches embryonnaires ne sont pas les seules à être porteuses d’espoir. La découverte des cellules souches pluripotentes induites (IPS), des cellules adultes qui sont reprogrammées pour se comporter comme des cellules souches embryonnaires, font même dire que le temps des cellules souches embryonnaires est passé. Dans une tribune publiée dans Le Monde, le Pr Claude Huriet, président de l’Institut Curie, écrit que "la reprogrammation de cellules sanguines ou cutanée en cellules semblables à des cellules souches embryonnaires donne à ces dernières un coup de vieux », et que cette recherche est « déconnectée de la réalité ». Pour Jean-Philippe Wolf comme pour Philippe Ménasché, les cellules IPS ne remplacent pas les cellules souches embryonnaires.


Ecoutez Philippe Ménasché, chirurgien cardiaque à l’hôpital européen Georges Pompidou (Paris) : "Le processus de reprogrammation des cellules IPS n'est pas sans risque, cela peut induire des modifications du patrimoine génétique."


Les scientifiques ne sont cependant pas les seuls à plaider en faveur de l’autorisation de ces recherches. Lors du forum citoyen organisé à Marseille en 2009, les citoyens ont eux aussi clairement dit « oui ». Le compte rendu des états généraux en témoigne : "Ils (les citoyens) ont voulu mettre en exergue la question spécifique de la recherche portant sur l’embryon destiné à naître qui, selon eux, doit bénéficier d’un « statut protecteur ». Il leur est apparu, en revanche, que des embryons voués à la destruction en l’absence de projet parental pouvaient être utilisés, sous certaines conditions, à des fins de recherche. » Quatre ans plus tard, ils pourraient bien être entendus.