Les attitudes raciales naissent pratiquement au berceau. Ce constat, un peu navrant, est bien connu des psychologues. À peine âgés de quelques mois, les nourrissons montrent un intérêt plus marqué pour les visages de leur groupe ethnique. Ce phénomène se stabilise et se renforce au cours du temps, de sorte qu’on peut montrer l’existence de préférences raciales implicites dès la petite enfance.
Pour la première fois, des chercheurs internationaux en psychologie développementale ont réussi à agir sur ces préférences raciales de façon durable. Dans une étude récemment publiée dans la revue Child Developpment (en anglais), ils expliquent avoir réussi à réduire les préjugés implicites d’enfants entre 4 et 6 ans, simplement à leur apprenant à reconnaître… des visages noirs.
Noir c’est noir
L’expérience a eu lieu en Chine. Les chercheurs ont sélectionné 95 enfants de maternelle qui n’avaient, aux dires de leurs parents, jamais été exposés à d’autres ethnies. Rien d’inhabituel dans ce pays, où plus de 99 % de la population est Han. Comme ils s’y attendaient, les bambins ont fait montre d’une préférence implicite marquée pour les visages d’Asiatiques comparés aux visages de Noirs.
Pour mesurer ce type de différences, les psychologues emploient communément une procédure dite de test d’association implicite (IAT). En l’occurrence, il a été demandé aux enfants d’associer des smileys souriant ou tristes à des visages asiatiques ou noirs. La rapidité d’exécution donne une idée de la facilité à créer des associations positives, selon le groupe ethnique considéré.
Un petit jeu très simple
Mais le point important, c’est que les chercheurs sont parvenus à infléchir la tendance. Et très simplement ! Ils ont tout bonnement proposé aux enfants un jeu consistant à reconnaître individuellement les visages de cinq personnes noires sur une tablette. Au bout de deux séances, à une semaine d’intervalle, les bambins chinois avaient perdu leurs préjugés implicites, et ce pendant au moins deux mois après l’expérience.
« Cela montre qu’il est très efficace d’intervenir dans la petite enfance, avant que les préjugés ne soient vraiment établis », estime Kang Lee (université de Toronto), auteur sénior de l’étude. Il estime ainsi que le simple fait d’individualiser des personnes d’un autre groupe ethnique peut contribuer à limiter les préjugés. D’où l’importance, sans doute, d’aborder les parcours de figures historiques comme Martin Luther King, Nelson Mandela ou, plus près de nous, Barack Obama.