La résistance bactérienne aux antibiotiques est une véritable bombe à retardement. Le monde en prend de plus en plus conscience. Chaque année, elle provoque 25 000 décès en Europe. Mais l’ampleur de la menace pourrait bien avoir été sous-estimée, d’après une étude publiée dans Microbiome.
Une équipe composée de chercheurs de l’université de Göteborg (Suède) et de l’Ecole polytechnique de Chalmers (Suède) a identifié plus de 70 gènes impliqués dans l’antibiorésistance. Ils n’avaient jamais été repérés jusqu’ici.
Des antibiotiques sous surveillance
Si ces gènes sont restés inaperçus, ils sont pourtant omniprésents. Les auteurs de ces travaux ont, en effet, réalisé leurs analyses sur des échantillons d’ADN bactérien prélevés dans le monde entier. Rivières, puits, sol, flore intestinale… L’environnement au sens large a servi de base aux chercheurs. Et les résultats ont de quoi surprendre.
Grâce à un modèle mathématique, les Suédois ont mis la main sur 76 gènes impliqués dans la résistance aux carbapénèmes. Ces antibiotiques, très efficaces, font l’objet d’une surveillance croissante. Et pour cause : ils sont souvent utilisés en dernier recours contre des infections multi-résistantes.
Ils sont si précieux que la commission des anti-infectieux de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a émis des recommandations de bonne pratique à leur sujet. Afin de limiter l’émergence de résistances, la commission invite à faire « un usage raisonné et aussi limité que possible des quatre molécules disponibles de la classe, en comparant leurs avantages respectifs et précisant leurs modalités d’utilisation et leurs indications en pratique clinique, ainsi que les alternatives possibles ».
Les alternatives nécessaires
L’inquiétude est d’autant plus justifiée que, parmi les gènes identifiés, plusieurs fournissent aux bactéries la capacité de dégrader les carbapénèmes. Les tests en laboratoire, réalisés sur la bactérie E. coli, ont confirmé cela.
L’équipe va maintenant s’atteler à identifier les gènes favorisant la résistance contre d’autres classes d’antibiotiques. « Plus nous en savons sur la manière dont les bactéries se défendent contre les antibiotiques, plus nous augmenterons nos chances de développer des médicaments efficaces », estime Joakim Larsson, qui a réalisé ces travaux. De fait, de telles découvertes peuvent guider le développement de nouvelles molécules.
Car trouver des alternatives aux antibiotiques actuels relève de l’urgence. En France, l’antibiorésistance provoque 13 000 décès par an. D’ici 2050, elle pourrait provoquer 10 millions de morts, d’après une étude britannique.