D’un point de vue éthique, la France peut et doit mieux faire, en matière d’accueil et de prise en charge sanitaire des migrants. Tel est le constat développé par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) dans un avis rendu ce lundi. Ses rédacteurs estiment que les structures d’offre de soins (en particulier les hôpitaux) sont peu organisées pour aller au-devant des migrants, ce que font, en revanche, les associations humanitaires, sans soutien manifeste de l’État.
« Majoritairement, ces personnes se rendent invisibles pour n’être pas reconduites à la frontière et placent au second plan leurs difficultés de santé par rapport à leur projet migratoire, ce qui pose des questions de santé publique non résolues », note le rapport. Or, les structures doivent justement faire en sorte d’aller vers les migrants afin de mieux les prendre en charge.
Anticiper
Il est aujourd’hui difficile de mesurer à la fois les effectifs présents et les flux d’entrée et de sortie de migrants, mais tout semble cependant indiquer que leur nombre n’excède pas 0,5 % de la population générale en France. « Ils ne constituent nullement une menace, ni sur le système de soins, ni sur notre organisation sociale ».
Par ailleurs, chacun doit être conscient que les évolutions géopolitiques (climat, conflits…) vont amplifier les phénomènes migratoires, ce qui oblige à anticiper, note le CCNE. « On ne peut, en tout état de cause, admettre que l’absence de prise en charge de l’hygiène élémentaire de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants (souvent isolés) soit un instrument de régulation de leurs flux ».
Si l’accueil des migrants en centres d’accueil et d’orientation (CAO) a été, semble-t-il, satisfaisant, cette étape a été précédée ou suivie de conditions d’existence prolongées pendant lesquelles « le respect des règles les plus élémentaires d’hygiène n’était pas suffisamment assuré », peut-on lire. Les femmes et les mineurs isolés, en particulier, ont pu être mis en danger. Dans de telles situations, les seules initiatives ont été trop longtemps conduites par les associations, nationales ou locales, et des agents publics individuels. Il n’y a pas de politique harmonisée des permanences d’accès aux soins de santé (PASS) qui remplissent, de ce fait, très irrégulièrement leurs obligations légales.
L'hôpital doit jouer son rôle
Ces constats conduisent le CCNE à énoncer un certain nombre d’exigences éthiques. « Il appartient au système de soins (en particulier, l’hôpital) de savoir inspirer confiance et d’appréhender les personnes qui font passer la nécessité de se dissimuler avant celle de se soigner », enjoint-il.
Il convient également de rendre possible le « colloque singulier » entre médecin et patient par des échanges compréhensibles, sur le plan linguistique, d’une part, et sur celui du contexte culturel, d’autre part. Les professionnels de santé doivent avoir la volonté d’établir des priorités dans les actions destinées à assurer le bien-être des migrants, , l’égalité de traitement dans l’accès aux soins et dans l’accès au bien-être physique, mental et social.
"Aucune difficulté insurmontable"
Le CCNE, en abordant la question de la santé des migrants, n’a pas souhaité prendre parti dans la dimension politique de la question. En revanche, il fait le constat d’une situation complexe pour laquelle les solutions mises en œuvre par l’ensemble des acteurs publics ne sont pas à la hauteur des enjeux d’aujourd’hui et de demain.
Le CCNE estime, en l’état actuel des données, qu’il n’existe aucune difficulté insurmontable dans une prise en charge honorable et digne des migrants. « Encore faudrait-il rendre crédible en la matière un discours de vérité d’abord, de confiance et d’encouragement ensuite, corollaire d’une meilleure adaptation des instruments publics ».
Le CCNE affirme clairement que, « s’agissant des migrants, comme de toute personne en détresse, la santé, au sens de la définition que donne l’OMS, ne doit en aucun cas pouvoir être instrumentalisée, notamment en maintenant de mauvaises conditions sanitaires comme outil de refoulement ». Ce qui fût le cas à Calais, lorsque la maire a souhaité retirer l’eau potable et de lavage aux migrants.