Plus de 4 millions de Français ressentent, d’octobre à avril, une envie de dormir constante. Tristes, fatigués, ils prennent du poids, guidés par une envie impérieuse de sucre, et préfèrent l’isolement à leurs activités habituelles ; difficile de se concentrer, y compris chez certains enfants dont les résultats scolaires sont en baisse.
L’automne est en général fidèle au rendez-vous des dépressions nerveuses saisonnières, une vraie maladie avec de vrais symptômes.
Tout le monde ressent cette relation entre humeur et le soleil, mais en médecine, les évidences les plus simples doivent être prouvées. Au début des années 80, une poignée de chercheurs de l’institut de santé mental des Etats-Unis ont eu une idée un peu folle : puisque les gens semblaient déprimés lorsqu’ils manquaient de lumière, pourquoi ne pas les exposer tout simplement à celle-ci ? Un de leurs amis, un ingénieur de 63 ans, traversait une dépression profonde, chaque année, à l’approche de l’hiver. Il accepta de se prêter à l’expérience. Un boîtier en métal, recouvert d’un écran en plastique, dans lequel étaient insérées des ampoules fluorescentes : le premier appareil de luminothérapie était né ! Trois jours plus tard, le « cobaye » avait retrouvé un état de bien être très profond. Trente ans plus tard, la luminothérapie est devenue l’un des traitements de référence des dépressions saisonnières, y compris pour la médecine officielle : le temple de la psychiatrie française qu’est l’hôpital Sainte-Anne à Paris possède une unité de luminothérapie très active.
La plupart de nos fonctions biologiques, en particulier la sécrétion des hormones, sont placées sous la direction d’une horloge interne qui organise le fonctionnement horaire. Cette horloge, pour se synchroniser, ne dispose que du rythme veille-sommeil, donc l’alternance jour-nuit, dont la traduction est la présence ou l’absence de lumière naturelle. Qu’elle devienne insuffisante et l’horloge se désynchronise. Certes, les habitants des pays nordiques sont plus malheureux que nous ; 10 % sont très affectés par les courtes journées hivernales. Mais dans notre pays, si le jour dure plus longtemps, c’est souvent avec des nuages et de la pluie, ce qui provoque une intensité lumineuse très faible. Cette quantité de lumière se chiffre : le niveau de luminosité diffusé par le soleil passe de 50 000 lux l’été à 500 lux en hiver, alors que pour synchroniser notre horloge, cette intensité doit dépasser 2 000 lux au niveau des yeux. Un phénomène accéléré par la vie moderne : 80 % de la population active travaille en lumière artificielle, à des niveaux d’intensité insuffisants pour notre équilibre…
Il suffit de s’exposer au moins une heure par jour au soleil, un vrai message préventif, mais sans doute insuffisant quand la dépression est installée, et surtout pour ceux qui ne peuvent pas sortir facilement : les malades, les personnes âgées, les handicapés ou accidentés, cibles toutes trouvées de cette forme de dépression.
La luminothérapie, ou « la lumière comme antidépresseur… », consiste à orienter une source lumineuse spéciale vers le visage, le matin si possible, pendant 30 minutes. Le spectre de la lumière utilisée doit être le plus proche possible de la lumière du jour, ce qui n’est pas toujours le cas des appareils grand public en vente un peu partout.
Dans 80 % des cas, ce traitement produit des effets positifs au bout de quelques jours et atteint son plein effet en quelques semaines. L'Association Psychiatrique Américaine, la très puissante société savante de ce pays, conclut dans une grande étude : « la luminothérapie est aussi efficace que les médicaments antidépresseurs pour combattre les symptômes de cette forme de dépression ». Un message pas forcément populaire dans notre pays qui adore les antidépresseurs…