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Se faire craquer les doigts est mauvais. Info ou intox ?

Par le Dr Yann Maël Le Douarin

Une bonne séance chez un ostéopathe doit-elle impérativement se traduire par un craquement des articulations ? Qui n’a pas entendu dire : « Arrête de faire craquer tes doigts, tu vas avoir de l’arthrose plus tard » ? Il faut d’abord rassurer les parents, leurs enfants et les adultes qui continuent de le faire. Si on craque depuis la nuit des temps, on ne sait pas depuis longtemps qu'il n’y a aucun inconvénient à le faire, hormis l’énervement de ceux qui sont à côté des « craqueurs »… Les réponse du Dr Yann Le Douarin

University of Alberta
MOTS-CLÉS :

Faire craquer ses doigts n’est pas dangereux, mais en fait, la preuve en est assez récente.

YLD : Oui, c’est une histoire assez amusante. Nous sommes dans les années 20 : un petit Américain, Donald Unger, avait la sale manie de faire craquer ses phalanges. Et sa mère ne cessait de lui répéter : arrête Donald, tu vas avoir de l’arthrite ! Devenu médecin, il a voulu vérifier les dires de sa maman, il a mené une étude scientifique. Il ne faisait craquer que les phalanges de sa main gauche mais pas celles de sa main droite, et ce, pendant 60 ans !!! Pour être précis, les articulations de sa main gauche ont craqué au moins 36 500 fois, pendant que celles de la droite n'ont craqué que rarement et de manière spontanée. Et résultat : pas le début du commencement d’une arthrite. Les deux mains étaient identiques.

Ceci dit, une étude avec un seul patient, c’est un peu léger comme preuve… 

YLD : Effectivement, mais depuis, d’autres travaux ont été menés sur le sujet, et globalement, il n'y a pas plus d’arthrose chez les craqueurs que chez les autres ; en revanche, on a quand même noté une poignée de mains moins ferme. Ce qui en soit n’est pas franchement dramatique.
 

Qu’est-ce qui provoque le craquement ?

YLD : Le bruit produit serait le résultat de plusieurs mécanismes. Tout d’abord, on s’arrête sur le fonctionnement de nos articulations. Pour faciliter le mouvement entre les os, leur contact est aidé par une mince couche d’un liquide que l’on appelle synovial.
Si l’on force l’articulation à se distendre en tirant sur les os, la pression chute considérablement dans ce liquide, il se produit alors de la cavitation, c'est-à-dire l’apparition de bulles de gaz. C’est l’expansion rapide de ces bulles qui est responsable du bruit. On pense aussi que c’est l'étirement rapide des ligaments ou des brisures d'adhésions intra-articulaires qui pourraient être la source du craquement.

Mais il n‘y a pas que des craqueurs de doigts. Certains font aussi craquer leur cou, par exemple ?

YLD : Il paraît qu’il y a même des craqueurs d’orteil. Mais, pour le cou, c’est plus embêtant parce que c'est globalement toujours le même étage vertébral qui est sollicité. Petit à petit, les ligaments vont se détendre et l'étage en question devient instable. Pour contrôler cette instabilité, ce sont les muscles qui se contractent et à la longue, cela peut être douloureux !

Et puis, il y a des articulations qui craquent sans que l’on désire le faire. C’est le cas surtout pour la hanche. Là, on sait que ce sont les tendons qui claquent.
 

C’est aussi le même bruit lorsque l’on va chez un ostéopathe ?

YLD : Oui. Mais ce n’est pas indispensable pour que la séance soit réussie.

Mais là non plus, pas de conséquences médicales ?

YLD : Oui, on peut dire en conclusion que des générations entières de parents ont menti à leurs rejetons en les menaçant d’arthrose, tout simplement parce que cela les énervait…