La Food and Drug Administration (FDA), la très puissante agence américaine qui autorise l’utilisation des médicaments sur le territoire américain, a approuvé mercredi la mise sur le marché de la deuxième thérapie génique dans le monde, le Yescarta, pour traiter des lymphomes non hodgkiniens agressifs, un cancer du sang très grave. La thérapie génique, la plus moderne des solutions thérapeutiques. On lui prête bien des vertus, dont celle de peut-être faire des miracles demain dans le traitement de maladies comme par exemple le Parkinson, ou des cancers comme les lymphomes, en fait celles où un gène est défectueux ; c’est en particulier toutes celles dont on parle au téléthon.
... C’est quoi la thérapie génique ? Les réponses du Docteur Yann Le Douarin
On connaît la thérapie génique depuis quand ?
YLD : Je vous fais remonter l’histoire de la médecine… Nous sommes en novembre 1994 au congrès américain du cœur, le Dr Jeffrey Isner annonce sous les applaudissements de milliers de confrères qu’il vient de faire repousser les artères du cœur d’un malade, ouvrant ainsi une nouvelle vie à toutes les victimes d’infarctus du myocarde. La raison de cette révélation quasi miraculeuse : la première application d’une théorie brillante, celle de la thérapie génique.
Thérapie génique, si on traduit simplement, ça veut dire « traitement par les gènes », c'est ça ?
YLD : Tout à fait ! Derrière ce nom se cache en fait une partie de Meccano jouée par le médecin. Nos cellules sont toutes commandées par nos gènes, qui forment une sorte de code-barres où tout est inscrit : notre passé, mais aussi notre futur. Et si tous les hommes ne sont pas identiques, c’est parce que les combinaisons possibles de gènes sont infinies. Certains gènes sont en parfaite santé ; certains sont différents dès la naissance ; d’autres enfin sont abîmés lors des milliards de divisions de nos cellules. C’est ce qu’il se passe dans la maladie de Parkinson où ces gènes abîmés empêchent les cellules de sécréter le produit qui empêche de trembler.
Soigner par les gènes, je comprends le principe... Mais là, on est dans l'infiniment petit. On ne peut pas y aller au bistouri...
YLD : C’est, en effet, la réflexion que se sont faits, au début des années 90, tous les chercheurs. Comment agir, là ou aucun outil ne peut rentrer ; comment faire de la thérapie génique ? Et bien en utilisant le plus petit organisme vivant qui peut se déplacer presque à sa guise dans notre corps : le virus.
Cela veut donc dire que tous les virus ne sont pas dangereux... Que certains sont même bien utiles...
YLD : Oui, les virus ne sont pas tous aussi dangereux que celui de la grippe ou pire, celui du sida. Et puis on sait aussi, en cas de doute, le rendre inoffensif. Reste après à le dresser à la livraison du morceau de gène à changer, et à le livrer au bon endroit.
Dans le cas du Parkinson par exemple, on injecte ces virus réparateurs à la seringue, dans la région du cerveau responsable de la maladie. Ensuite, ils entrent dans les cellules pour les réparer. La preuve ? Ces cellules se remettent à produire. C’est un vrai miracle de l’intelligence de l’homme.
Mais comment un virus peut-il « réparer » ? Il n'est pas doté d’intelligence ?
YLD : En fait, on ne s’en sert que comme transporteur. On lui met sur le dos le morceau de gène défaillant, c’est ça que l’on appelle le « dressage ». On l’injecte et, comme il aime bien rentrer dans les cellules pour se multiplier – avec les épidémies de grippe tout le monde peut le vérifier –, il trouve vite sa cible, se faufile dans le noyau de la cellule, et en y entrant, amène le morceau qui manque. Ça paraît facile, mais c’est exactement ça. Le plus dur, c’est de trouver de gentils virus et de les mettre au bon endroit.
Dans quelles autres maladies on va l’utiliser ?
YLD : Potentiellement, partout où les gènes responsables de la maladie ont été identifiés. Par exemple chez les hémophiles, pour les cœurs défaillants, pour des maladies dont on parle chaque année au téléthon. « Aujourd'hui marque une nouvelle étape dans le développement d'un paradigme scientifique entièrement nouveau pour le traitement de maladies graves », a déclaré le Dr Scott Gottlieb, le directeur de la FDA. Les résultats qui ont conduit la FDA à approuver ce traitement sont en effet spectaculaires… Sur plus de 100 malades, six mois après le traitement, 80 % étaient encore en vie. Au total, 39 % n’avaient plus aucun signe de cancer. Un résultat très significatif par rapport à tous les autres traitements connus.