Ah, l’heureuse époque où Colette Renard se faisait « sucer la friandise » sans aucune arrière-pensée, dans son tube Les Nuits d'une demoiselle. Les médecins ne s’étaient pas encore penchés sur la question… C’est désormais chose faite : des chercheurs de l’université John Hopkins, aux États-Unis, ont entrepris de quantifier le risque d’infection par papillomavirus humain (HPV) en fonction de la pratique du sexe oral.
HPV représente l’infection sexuellement transmissible la plus fréquente au monde. Il existe plus d’une centaine de souches du virus, qui prospère sur la peau et les muqueuses humaines. La plupart des souches n’entraînent aucun symptôme ou des manifestations cutanées bénignes (verrues, condylomes). Mais une poignée d’entre elles provoque des lésions précancéreuses pouvant évoluer en cancer – du col de l’utérus, de l’anus, de l’oropharynx. On parle alors de souche oncogène.
Cunnilingus et tabac
Bonne nouvelle pour ces dames : dans l’étude de John Hopkins, la prévalence des infections à HPV oncogène n’était pas très élevée en ce qui les concerne. Mauvaise nouvelle, pour tout le monde : chez les hommes en revanche, ce type d’infection était beaucoup plus fréquent. Et directement lié à leur pratique du sexe oral.
« Chez les hommes qui ne fumaient pas, les infections orales par une souche oncogène d’HPV étaient rares », résume le Dr Amber D’Souza, premier auteur de l’étude, qui se voudrait rassurante. « Chez les hommes non-fumeurs, ce type d’infection était rare aussi, pour peu qu’ils aient eu moins de cinq partenaires de sexe oral. Mais au-delà, le risque d’infection augmentait avec le nombre de partenaires et le tabagisme. »
Ainsi, les hommes ayant eu cinq partenaires ou plus présentaient un risque de 7 % d’être infecté par une souche oncogène. S’ils fument, ce risque grimpait même à 15 %. Heureusement, une telle infection ne signifie pas qu’on va développer un cancer à coup sûr. Les auteurs estiment que même dans ce cas de figure (qui concerne 6 % des hommes), seul 1 homme sur 10 développera un cancer de l’oropharynx dans sa vie.
Une couverture vaccinale en berne
De quoi y penser à deux fois avant de se lancer dans une expédition sur le mont Vénus ? Sans doute. Mais de quoi aussi apporter de l’eau au moulin de ceux qui voudraient généraliser la vaccination contre HPV aux garçons. Car un vaccin existe, recommandé chez les jeunes filles en début de vie sexuelle (risque de cancer du col) et les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes jusqu’à 26 ans (cancer anal). Mieux, il contribuerait également à protéger efficacement les personnes vaccinées contre les cancers de l’oropharynx.
En France, la généralisation aux garçons se heurte pour l’heure à des considérations pragmatiques. Non seulement le vaccin est cher, mais le taux de couverture vaccinale chez les filles, pourtant concernées au premier chef, plafonne à un très faible 20 % en raison du mouvement anti-vaccin et d’un investissement assez timide des pouvoirs publics. Ces deux dernières années, la couverture a commencé à remonter timidement. Gageons que cette étude aura de quoi remotiver tout le monde.