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Maladie cœliaque

Intolérance au gluten : pas d'endoscopie chez les enfants

Par le Dr Jean-Paul Marre

On parle beaucoup du gluten, parce que 600 000 Français ne peuvent se livrer aux plaisirs de la table qu’après une véritable enquête policière pour le traquer. Sinon, gare aux effets digestifs de la maladie cœliaque. Mais encore faut-il être au courant que l’on est malade !

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Qu’y a-t-il dans les pains, les pâtisseries, les pâtes, les semoules, les fromages à tartiner, les charcuteries, et certaines crèmes gélifiées, qu’on ne trouve pas dans les produits laitiers, le jambon, le poisson ou les fruits ? Et bien c’est le gluten, une protéine qui n’aurait jamais fait parler d’elle si certaines personnes n’y étaient totalement intolérantes.

Quelle fréquence ?

Cette intolérance touche une personne sur 100 dans notre pays. Donc six cent mille personnes qui doivent en permanence se poser la question de savoir si les aliments qu’on leur propose ne contiennent pas une fraction de cette terrible protéine. Rappelons que si l’on assimile notre corps à un mur, les protéines en sont les briques.

Comment se traduit-elle ?

Les premiers troubles surviennent généralement dans les semaines qui suivent l’introduction des farines chez le nourrisson. La courbe de poids stagne, voire chute. Le nourrisson est grognon alors que pourtant, il a bon appétit, voire toujours faim. Ses selles sont volumineuses. Et ce sont surtout ces diarrhées chroniques qui alertent le médecin.

Chez l’enfant, les symptômes de la maladie cœliaque peuvent être très variables. Il peut exister des perturbations digestives, comme une diarrhée chronique ou intermittente, des nausées et vomissements, et/ou un manque d’appétit. Parfois, l’enfant souffre aussi de douleurs abdominales récidivantes ou d’un ballonnement dû à une accumulation de gaz intestinaux. On peut aussi observer des signes non-digestifs comme une perte de poids et/ou un retard de croissance, une fatigue chronique, une anémie par carence en fer, un retard dans le déclenchement de la puberté.

Parfois, cependant, le diagnostic peut être fait beaucoup plus tardivement, chez l’adulte, devant une diarrhée chronique, qui est le symptôme le plus courant, mais aussi une constipation. Certains adultes souffrent de douleurs abdominales ou d’un ballonnement, associé à des flatulences et une perte de poids. Les signes non-digestifs sont nombreux. Il peut ainsi exister une fatigue chronique, une anémie par carence en fer, en vitamine B9 ou en acide folique, des aphtes récidivants ou une ostéoporose chez la femme jeune.

Comment la diagnostiquer ?

Une simple prise de sang à la recherche des signes d’allergie spécifiques au gluten, des anticorps, confirmée par une fibroscopie, permettra de mettre un nom sur les symptômes mais malheureusement rendra la vie gastronomique du malade plutôt pénible jusqu’à la fin de ses jours.

Le dosage de l’anticorps immunoglobuline A (IgA) antitransglutaminase tissulaire est le test de choix pour dépister la maladie cœliaque, et la suspicion doit être confirmée par un dosage des anticorps anti-endomysium et une recherche d’un typage HLA DQ2/DQ8. Une fibroscopie intestinale avec des biopsies reste indispensable chez l’adulte.

La fibroscopie est-elle indispensable ?

Une grande étude européenne sur plus de 800 enfants s’est attachée à confirmer que l’on pouvait se passer de l’endoscopie pour le diagnostic d’intolérance au gluten. Cette étude s’est déroulée dans 21 pays et elle s’est intéressée à la valeur seuil du taux d’anticorps spécifique dans le sang qui permet d’affirmer le diagnostic de maladie cœliaque avec une probabilité égale à celle de l’endoscopie.

Dans cette belle étude, il est confirmé que la présence d’un anticorps antitransglutaminase tissulaire à un taux supérieur à 10 fois la normale, associé à n’importe lequel des signes cliniques usuels, a une valeur prédictive proche de 100. Le typage HLA ne rajoute pas grand-chose. La conclusion est que la positivité de ce test, confirmé par un dosage positif d’un anticorps anti-endomysium, permettrait d’éviter une endoscopie chez plus de la moitié des enfants, ce sont des souffrances en moins et une source d’économie en plus.

Quel traitement ?

Une fois la maladie diagnostiquée, le principe du traitement est basé sur un régime alimentaire d’exclusion du gluten. C’est on ne peut plus simple en théorie, mais sa mise en application n’est pas une mince affaire. Pour les produits achetés dans le commerce, la composition théoriquement obligatoire doit le signaler. Mais cela devient bigrement plus compliqué lorsqu’il s’agit des aliments préparés par un restaurant ou, plus grave, car c’est la situation la plus fréquente, à la cantine. Cela devient mission quasi impossible et impose une espèce de mise en marge de la collectivité. Celui qui souffre d’intolérance au gluten doit donc être alerté en permanence et se livrer à de véritables enquêtes policières. Car le rappel à l’ordre est quasi immédiat.

Le régime est-il le seul traitement ?

Oui, c’est le seul traitement connu aujourd’hui en attendant la mise à disposition d’une enzyme de substitution, suffisamment gloutonne pour détruire le gluten. Ce qui permettrait la mise au point d’un médicament efficace, alors qu’aujourd’hui, le seul apport de la pharmacie est de proposer toute une série d’aliments sans gluten malheureusement pas très bon marché.