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Suicide assisté

Euthanasie : mesurer une « souffrance insupportable » ?

Par Johanna Hébert

En cas d’euthanasie, le concept de « souffrance insupportable » est au cœur de la législation. Difficile cependant pour les praticiens de la mesurer, surtout en dehors de la phase terminale ou en cas de trouble mentaux. 

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Cinq Etats des Etats-Unis (Washington, Oregon, Vermont et Californie) autorisent l’euthanasie ou le suicide assisté. Ainsi que cinq pays dans le monde : la Colombie, les Pays-Bas, le Luxembourg, la Suisse et la Belgique.

Dans la plupart de ces pays ou de ces Etats, la législation sur l’euthanasie se centre sur la « souffrance insupportable » des patients en phase terminale d’une maladie. Les patients vont mourir dans tous les cas de leur pathologie, et l’euthanasie est un moyen d’abréger leurs souffrances pour qu’ils meurent dans la dignité. 

Mais dans trois pays, la loi ne concerne pas uniquement les malades en phase terminale. Aux Pays-Bas, les souffrances du patient doivent être insupportables et sans espoir d’amélioration. Au Luxembourg et en Belgique, c’est encore différent : les deux Etats considèrent que la souffrance psychique ou psychologique, si elle ne peut pas être soulagée, est justifiable pour prétendre à mourir par euthanasie. Mais alors, comment la mesurer ? 

Juger une douleur psychologique et psychique 

Dans la loi belge, la souffrance doit être « constante, insupportable et inapaisable ». En 2013, un homme de 44 ans est mort par euthanasie à Bruxelles. Depuis sa naissance, il souffrait de troubles identitaires. Né fille, il a entrepris un changement de sexe entre 2009 et 2012. Des opérations qui ont, selon lui, aggravé ses souffrances. Les médecins ont donc jugé que sa requête était conforme à la loi. 

Une telle autorisation ne s’obtient pas facilement. La personne qui souhaite mourir doit obtenir l’accord de trois médecins différents, qui étudient le cas du patient et rédigent un rapport. Puis, le dossier est examiné par la commission de contrôle euthanasie, organe auquel les praticiens doivent rendre des comptes en cas de problème. A chaque «étape » du processus, les médecins demandent à la personne si elle est sûre de son choix. Et celle-ci peut renoncer jusqu’au dernier moment. 

Juger une douleur psychologique et psychique insupportable est difficile, beaucoup plus difficile que des douleurs physiques liées à un cancer par exemple. Par conséquent, cela soulève des questions éthiques chez les praticiens. Mais aussi concernant les droits de l’Homme. Car dans la loi, l’euthanasie doit rester un ultime recours. Comment faire alors, quand le patient est atteint d’une maladie mentale ? Comment être sûr du choix de son patient ?

Le cas des personnes atteintes de maladies mentales

Une étude a été publiée dans le British Journal of Psychiatry, ce mois d’octobre. Des chercheurs ont analysé les témoignages de 26 personnes (20 femmes et six hommes) atteintes de troubles psychiques ou mentaux. Ces personnes ont toutes déposé un dossier pour recourir à l’euthanasie. Le but de l’étude : tenter d’établir une définition de leur souffrance. 

Globalement, les patients évoquent une souffrance mentale permanente et un sentiment de désespoir. Ils ont le sentiment que leurs traitements ne font plus effet, qu’ils deviennent comme des poupées entre les mains des médecins. La mort devient pour eux l’ultime recours. 

Mais la grande difficulté est de différencier un sentiment causé par la maladie, d’une souffrance insupportable et réelle. Une personne dépressive par exemple, pourra avoir une vision extrêmement pessimiste de sa vie. Cela veut-il dire qu’elle lui est insupportable au sens légal du terme ? 

La responsabilité du médecin

C’est au médecin d’en juger. Et ce dernier a parfaitement le droit de refuser de traiter ce dossier s’il estime que la demande du patient n’est pas légitime et qu’elle n’est pas en accord avec la loi. 

Toujours d’après l’étude publiée dans le British Journal of Psychiatry, définir les souffrances des patients atteints de troubles psychiques peut aider les praticiens à mieux les comprendre. Cela pourrait aussi aider les patients à retrouver de l’espoir. Savoir que les médecins entendent leurs souffrances, que l’euthanasie peut être une solution possible.

En 2015, une jeune femme de 24 ans avait obtenu le droit de mourir. Le jour prévu de son euthanasie, elle a reculé et décidé de vivre. Dans un documentaire réalisé par le magazine britannique The Economist,  elle tente de s’expliquer: « Ce n’est pas très clair. Est-ce la sérénité de la mort si proche qui a fait que cela était plus supportable ou est-ce que quelque chose a changé en moi ? J’ai essayé de penser le moins possible à ma vérité, que je ferais mieux de ne pas exister. »


Pour Steve Pearce, psychiatre membre de la Oxford NHS Foundation, le cas des personnes atteintes de troubles psychiques pose évidemment des questions éthiques nécessaires. Mais le vrai enjeu est le suivant : savoir pourquoi ces personnes, qui doivent être prises en charge et suivies, se retrouvent si désespérées.