L’étude a fait l’effet d’un électrochoc. « Toutes les recommandations de cardiologie devraient être révisées », estiment même les deux experts qui signent l’éditorial accompagnant l’article, publié récemment dans la prestigieuse revue The Lancet. En effet, des cardiologues britanniques viennent de montrer que le traitement interventionnel de l’angine de poitrine stable n’aurait pas plus d’efficacité pour contrôler la douleur… qu’un simple placebo.
Déboucher l’artère
L’angine de poitrine, ou angor, est une douleur thoracique liée au rétrécissement d’une ou plusieurs des artères coronaires, qui alimentent le cœur. Fréquente, elle survient typiquement pendant l’effort et signale un risque d'infarctus. La prise en charge repose sur des conseils hygiéno-diététiques et la prescription de médicaments destinés notamment à fluidifier le sang et contrôler la douleur.
Lorsque les symptômes persistent malgré les médicaments, il est alors fréquent d’avoir recours à une revascularisation par angioplastie : un cardiologue interventionnel se charge de déboucher l’artère au moyen d’une sonde, introduite par l’aine ou le poignet. Il pose ensuite un stent, sorte de petit ressort chargé de maintenir l’artère coronaire ouverte, afin de rétablir la circulation vers le cœur et soulager la douleur. Environ 500 000 patients par an sont traités de cette manière dans le monde.
Pas mieux qu’un placebo
Mais l’essai britannique vient remettre en question cette stratégie. Les chercheurs ont employé une méthode d’habitude réservée aux études de médicaments : comparer l’intervention réelle à une intervention placebo en tous points similaire. Autrement dit, une moitié des 230 patientss étaient endormis en salle de cathétérisme et se voyait introduire une sonde… pour rien. L’étude étant en double aveugle, les médecins eux-mêmes ignoraient si leurs patients avaient suivi la procédure réelle ou factice.
« De façon surprenante, même si la pose de stent a amélioré la circulation sanguine, elle n’a pas amélioré les symptômes par rapport aux médicaments », explique le Dr Rasha Al-Lamee, cardiologue à l’Imperial College London et premier auteur de l’étude. Or, du fait de la pathologie précise des patients sélectionnés – une coronaropathie sévère stable –, le contrôle de la douleur est la principale justification de la pose de stent…
Stupeur et tremblements
Il ne pourtant fait aucun doute que le stent améliorait bien la circulation artérielle. « On dirait qu'entre déboucher une coronaire sténosée et améliorer les symptômes, le lien n’est pas aussi simple que ce nous espérions tous », euphémise Rasha Al-Lamee. Certaines cardiologues américains, cités par le New York Times, sont moins flegmatiques, et évoquent « une leçon d’humilité » ou encore « des résultats incroyables ».
Une nouvelle démonstration de la puissance de l’effet placebo ? Sans doute, encore que plusieurs praticiens appellent à attendre les résultats de plus long terme (le suivi n’ayant été que d’un mois et demi après l’intervention) avant de se prononcer. Mais c’est surtout un casse-tête pour les cardiologues, qui devront bien continuer à prendre en charge les patients douloureux et n’ont pas le loisir, quant à eux, de pratiquer des interventions factices…