Un plan national de lutte contre la maladie de Lyme est en cours d’élaboration afin notamment de limiter l’errance des patients souffrant de symptômes chroniques, souvent subjectifs, qui ont été imputés à la « maladie de Lyme » sans aucune preuve.
L’Académie de médecine, alertée par les rumeurs diffusées par des groupes de pression sur le « Lyme chronique », tient à remettre le débat sur le plan exclusivement scientifique.
Les faits scientifiquement établis
La maladie de Lyme est une maladie infectieuse due une bactérie bien identifiée et transmise à l’homme par la morsure d’une tique infectée. Elle évolue en trois phases : phase primaire de diffusion locale de la bactérie, phase secondaire de focalisation tissulaire, phase tertiaire où peuvent intervenir des phénomènes inflammatoires et dysimmunitaires ; l’infection guérissant spontanément au stade primaire dans 70 à 80% des cas.
A la phase primaire, le diagnostic de la borréliose de Lyme doit reposer uniquement sur la clinique et l’antibiothérapie à cette phase entraîne une guérison rapide et définitive si elle est correctement menée. Au stades suivants, le diagnostic est basé sur la clinique et la sérologie qui associe deux méthodes : des tests ELISA pour le dépistage et l’immuno-empreinte (Western blot) pour la confirmation. Ces tests ont désormais une sensibilité de 80 à 95% et une spécificité qui dépasse les 90%. L’efficacité clinique du traitement est plus lente en phase secondaire et en phase tertiaire. Même après un traitement spécifique efficace, les anticorps peuvent persister plusieurs années, sans signification particulière. Par contre, une ré-infection avec une autre bactérie reste possible.
Beaucoup d’affirmations sans base scientifique
La « maladie de Lyme chronique », qui serait liée à la persistance de l’agent pathogène dans l’organisme pendant des années, repose sur l’hypothèse non scientifiquement démontrée d’une « crypto-infection », ce qui servirait à justifier le recours à des traitements antibiotiques prolongés.
L’attribution de symptômes subjectifs mal définis (fatigue, crampes, douleurs musculaires, acouphènes, troubles du sommeil ou de l’humeur, pertes de mémoire...) à une hypothétique « maladie de Lyme chronique » ne repose sur aucun élément de preuve.
La calibration des tests Elisa est indispensable pour limiter à 5% le taux de faux positifs. Les responsables de laboratoires doivent donc résister à la demande de praticiens soucieux de confirmer coûte que coûte, y compris par la modification des seuils de positivité des tests, leur diagnostic de « maladie de Lyme chronique » devant des tableaux cliniques indéterminés.
L’efficacité revendiquée de traitements antibiotiques prolongés, parfois associés à des médicaments antiparasitaires, antifongiques ou anti-inflammatoires, ne repose sur aucune donnée expérimentale probante et ne s’appuie sur aucun essai clinique randomisé contrôlé. A l’inverse, l’inefficacité de l’antibiothérapie prolongée a été démontrée dans plusieurs études randomisées. De telles prescriptions prolongées sont dangereuses pour le malade, avec un risque de développement des résistances bactériennes, elle font courir un risque de perte de chance pour le malade si l’on passe à côté d’une autre maladie (tuberculose, lymphome, SEP…) et elles sont dispendieuses pour l’Assurance maladie.
Un risque de perte de chance pour les malades
L’Académie de médecine appelle les médecins à ne pas nourrir l’angoisse de patients désorientés en leur faisant miroiter le diagnostic de « maladie de Lyme chronique », mais plutôt à les réexaminer et à demander un avis spécialisé. Le « Lyme » est une mauvaise réponse médicale à la question légitime d’un patient qui souffre. Face aux malades souffrant de symptômes chroniques non étiquetés et qui se sentent délaissés, les médecins ne doivent pas céder à la facilité du diagnostic de « maladie de Lyme chronique », ni les soumettre à des traitements prolongés, inutiles et dangereux. Ces malades doivent pouvoir bénéficier d’une prise en charge diagnostique multidisciplinaire. Elle invite les pouvoirs publics à être attentifs à cette dérive.
Au mépris de toute démarche scientifique et forts de leur seule intime conviction, des médecins se sont auto-proclamés « Lyme doctors », alors que certains sont soumis à des liens d’intérêt évidents. Ces médecins entretiennent l’inquiétude chez de nombreux malades en errance diagnostique et nourrissent leurs récriminations infondées en se faisant l’écho en Europe, notamment en France, de l’ILADS (International Lyme and Associated Diseases Society), association non reconnue par les instances officielles outre-Atlantique. L’Académie de Médecine condamne donc sévèrement les campagnes de désinformation menées par des groupes de pression en quête de judiciarisation et de réparations financières d’un préjudice inexistant.
Rester sur les faits scientifiques
Le protocole national de diagnostic et de soins prévu par le « Plan de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques » devra s’appuyer sur les faits scientifiquement établis et ne devra pas être influencé par des assertions aujourd’hui scientifiquement non fondées.
L’Académie de Médecine confirme la validité des recommandations nationales en vigueur émanant de la 16ème Conférence de consensus du 13 décembre 2006 « Borreliose de Lyme : démarches diagnostiques, thérapeutiques et préventives ». Cette conférence de consensus est cohérente avec toutes les recommandations établies en Europe, y compris en Allemagne, et aux USA.
L’Académie de Médecine met en garde contre toute sollicitation de révision scientifiquement infondée et met solennellement en garde les pouvoirs publics qui, afin de répondre à l’inquiétude de patients en souffrance trompés par des groupes de pression, cèderaient au chantage dont ils sont l’objet, sans référence scientifique, et porteraient ainsi une lourde responsabilité dans l’adoption de mesures inappropriées.