Dr Jean-François Lemoine : Prostate et éjaculation, sérieux ou pas sérieux ?
Pr François Desgrandchamps : C’est très sérieux. C’est connu depuis longtemps que plus on éjacule fréquemment, moins il y a de risques de cancer de la prostate. Plusieurs grandes études convergentes montrent que c’est au-delà de vingt éjaculations par mois. On appelle cela les gros éjaculateurs. Alors, effectivement, en couple, c’est un peu fatigant d’avoir vingt rapports sexuels par mois, dons sous-entendu, la masturbation. Ce qui est intéressant, c’est que derrière cette statistique, il y a de vrais mécanismes biologiques, c’est-à-dire que dans le sperme, il y a des substances qui s’appellent des putrescines, qui s’appellent la spermine et la spermidine, qui sont des substances oncogéniques. Cela veut dire que si on rajoute ces substances sur des cultures de cellules normales, elles se transforment en cellules tumorales. Donc on comprend très bien le mécanisme sous-jacent : si ces substances sont au contact trop longtemps avec les cellules prostatiques, elles peuvent les transformer, et donc il faut évacuer toutes ces « cochonneries », c’est la théorie des émonctoires, c’est-à-dire que le corps élimine toutes les mauvaises choses, par les selles, par les urines, par les crachats, mais également par le sperme.
JFL : Vous donnez un chiffre, un nombre d’éjaculations par mois. Est-ce que cela se traduit par des éléments positifs eux aussi qui peuvent se chiffrer ?
FD : Si on éjacule plus de vingt fois par mois, quelle que soit la tranche d’âge, c’est les dix années avant l’enquête. Quelle que soit la tranche d’âge, cela divise par deux le risque de cancer de la prostate.
JFL : Mais il faut commencer tôt ? Le risque de cancer de la prostate, c’est quand même un problème de sujet âgé ? Est-ce qu’on a une notion de dire : « faut faire ça toute sa vie »?
FD : Toutes les études ont montré que sur les dix années auparavant, c’était bénéfique, donc, si je puis dire, il n’est jamais trop tard pour bien faire.