Dans les syndromes douloureux de l’épaule en rapport avec un « conflit sous-acromial », la chirurgie sous arthroscopie de décompression de l’espace sous-acromial ou « acromioplastie » ne semble apporter qu’un bénéfice modeste. C’est ce qui ressort d’une étude contrôlée publiée dans le Lancet ayant comparé une chirurgie de décompression à une chirurgie placebo et à aucune chirurgie. La différence mesurée sur les indicateurs habituels est même tellement faible qu’elle ne paraît pas être cliniquement apparente. Ces résultats sont publiés dans le Lancet.
Une opération « survendue »
L’acromioplastie est une opération proposée très fréquemment en cas d’échec du traitement médical de l’épaule douloureuse, dans le cadre de ce que les médecins appellent un « syndrome de conflit sous-acromial » (une douleur lors de l’élévation du bras entre la coiffe musculaire et l’os de l’épaule). Cette étude révèle que les indications sont sans doute, au mieux, trop larges et au pire, complètement inutiles.
Il est fort probable que la valeur de cette intervention a été tellement surévaluée qu’elle a été proposée à des malades qui ne pouvaient pas en bénéficier. Elle devrait désormais être réservée aux échecs du traitement médical survenant sur un acromion de morphologie anormale ou en cas d’ostéophytes sous l’acromion.
Une étude contrôlée sur 12 mois
L’étude a été réalisée dans 32 hôpitaux du Royaume-Unis et elle a impliqué 50 chirurgiens. Les malades ont été tirés au sort entre les 3 bras comparatifs de l’étude.
Ils avaient tous souffert d’une opération de l’épaule ayant durée au moins 3 mois en dépit d’un traitement médical ayant inclus des infiltrations de corticoïdes dans l’épaule (par voie sous-acromiale) et une rééducation de l’épaule.
Une chirurgie classique de type acromioplastie sous arthroscopie (raboter la pointe de l’acromion et nettoyer les tissus mous abimés de la coiffe musculaire) (n = 90) a été comparée à une fausse chirurgie (simple incision de la peau) (n = 94) et à aucun traitement (n = 95). Les 2 groupes « chirurgie » ont également bénéficié d’une rééducation post-opératoire (4 séances) et l’évaluation finale a été réalisée sur questionnaire, 6 et 12 mois après.
Amélioration très modeste après chirurgie
D’une manière générale, les 3 groupes de malades s’améliorent à 6 et 12 mois et la diminution de la douleur est un peu plus importante à 6 mois dans les groupes « chirurgie » (-32,7 et -34,2 points respectivement) par rapport au groupe sans aucun traitement (-29,4 points), mais la différence a peu de chance de signifier quelque chose cliniquement.
De plus, cette différence peut être liée à l’effet placebo de la chirurgie ou au nombre des malades qui ne sont pas restés dans le groupe où il avaient été affectés par tirage au sort du fait des très longs délais opératoires au Royaume Unis (23% des malades du groupe acromioplastie se sont améliorés tout seuls et ont renoncé à la chirurgie, alors que 12% des malades du groupe sans traitement ont été secondairement opérés).
La qualité de la méthodologie utilisée par ce très bon groupe de recherche et les résultats obtenus posent donc sérieusement la question du bénéfice réel de la chirurgie dans les syndromes douloureux persistants de l’épaule par conflit sous-acromial, d’autant que le coût de la chirurgie n’est pas nul.
A noter que 2 malades dans chacun des groupes ont eu un syndrome de l’épaule gelée (algoneurodystrophie de l’épaule ou capsulite rétractile), ce qui semble plutôt exonérer la chirurgie dans la responsabilité de cette complication. Les autres complications sont trop rares pour interférer avec le jugement.