Une bactérie, appelée Fusobacterium nucleatum, joue probablement un rôle dans l'apparition ou la stimulation de la croissance du cancer du côlon car une nouvelle étude, publiée dans la revue Science, montre qu'un antibiotique dirigé contre ce microbe ralentit la croissance de ces mêmes cellules cancéreuses chez la souris.
Et ce n’est pas un cas isolé d’association entre cancer et bactérie : une autre bactérie a également été découverte dans les cancers du pancréas. Dans les deux types de cancer, la plupart des tumeurs hébergent des bactéries, mais seule une petite proportion des cellules de la tumeur est infectée.
Certaines tumeurs hébergent des bactéries
La découverte de Fusobactéries dans les cancers du côlon, des bactéries normalement présentes dans la bouche, remonte à 2011. Depuis, des équipes du monde entier ont rapporté en avoir trouvé dans les cancers du côlon, mais sans donner de réponse aux questions que cette découverte soulevait.
La nouvelle publication a étudié spécifiquement les cancers du côlon métastasés au foie. Les métastases du foie, observées jusqu’à 2 ans après la chirurgie initiale du cancer du côlon, ont été enlevées chirurgicalement et analysées au plan bactériologique. Les métastases, issues de cancers du côlon infectés par des Fusobacteria, étaient également infectées même après la propagation au foie. A l’opposé, les tumeurs du côlon qui n'avaient pas la bactérie à l'origine ne les avaient pas après s'être propagées au foie.
Les bactéries voyagent avec la tumeur
Les chercheurs ont également recherché les bactéries dans les cancers apparus en premier dans le foie, et non dans le côlon. Ils n'en ont pas trouvé. « De loin l'explication la plus probable est que le cancer métastase au foie et porte ce microbiome avec lui », a déclaré le Dr Meyerson, du Dana-Farber Cancer Institute et auteur de cette étude. « Les bactéries ne sont pas là par hasard » a-t-il déclaré au New York Times.
Le Dr Meyerson et ses collègues ont également transplanté des cancers du côlon infectés chez la souris et ces cancers ont également augmenté. L’équipe a fait cela à plusieurs reprises, en transplantant les cancers à travers quatre générations de souris et cela a marché à chaque fois. Les Fusobacteria sont restés attachées aux cancers.
Le microbiome de la tumeur a une influence
Les chercheurs ont également traité les souris avec un antibiotique, le métronidazole, qui détruit les Fusobactéries, et les tumeurs se sont alors développées beaucoup plus lentement. Pour avoir une population témoin, les chercheurs ont traité un groupe de souris avec de l'érythromycine, un antibiotique proche auquel les Fusobactéries ne sont pas sensibles, et la croissance tumorale n'a pas été affectée.
Cela ne veut surtout pas dire qu’il faut traiter tous les malades souffrant d’un cancer du côlon avec du métronidazole pour détruire d’éventuelles fusobactéries, d’une part, parce que seule la moitié des cancers du côlon contiennent des fusobactéries, d’autre part, parce que le métronidazole n’agit pas que sur les fusobactéries incriminées, mais aussi sur d’autres bactéries qui peuvent jouer un rôle modulateur important. De plus, les malades devraient prendre l'antibiotique indéfiniment, parce que les Fusobacteria sont constamment réintroduites à partir de la bouche.
Un rôle dans la modulation immunitaire
Ainsi, les chercheurs suggèrent qu'au lieu de provoquer directement un cancer du côlon, les Fusobactéries pourraient modifier la réponse immunitaire des patients, ainsi que leur réaction aux traitements qui utilisent le système immunitaire pour détruire les cancers. Une autre possibilité est que les bactéries agiraient plus directement en sécrétant des produits chimiques qui stimulent la croissance locale des cellules cancéreuses.
Au final, les preuves accumulées démontrent que Fusobacterium nucleatum favorise le cancer du côlon ou contribue à son développement. Un nouvel exemple de l’importance des interactions qui existent entre bactéries et l’organisme humain, que ce soit via le système immunitaire ou une autre voie.