ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Le rapport de la Cour des comptes déconnecté de la réalité de la médecine

Avenir de l’assurance maladie

Le rapport de la Cour des comptes déconnecté de la réalité de la médecine

Par Dr Philippe Montereau

La Cour des comptes a produit un nouveau rapport qui fait porter l’ensemble des contraintes sur les seuls médecins. Il reste dans une approche purement comptable et témoigne d'une non-perception criante de la réalité du terrain.

DURAND FLORENCE/SIPA

La Cour des Comptes a publié aujourd’hui un rapport très « offensif » sur l’avenir de l’assurance maladie. Un rapport qui se veut agressif pour la profession médicale et qui prône la fin de la liberté d'installation, la rémunération « à la performance », plus de contrôles des médecins, des horaires d’ouverture des cabinets plus prolongés pour prendre en charge les urgences et… une nouvelle agence de santé.
La CSMF, le principal syndicat des médecins libéraux, avait eu connaissance de ce rapport et avait fait quelques observations. Aucune de ses observations n’a été prise en compte. Via son président, le Dr Jean-Paul Ortiz, la CSMF répond à ce rapport :

Est-ce que la fin de la liberté d’installation des médecins libéraux permettra de résoudre le problème des déserts médicaux ?

JPO : Le conventionnement sélectif proposé par la Cour des comptes est voué à l’échec (ndlr : un médecin qui s'installerait dans une zone déjà bien pourvue ne pourrait pas être conventionné par l'assurance maladie et ses patients ne seraient pas remboursés). Tous les pays qui ont tenté cette approche dans le passé y ont renoncé en raison de son inefficacité. De plus, le peu de médecins qui s’installent aujourd’hui le font déjà tardivement : un conventionnement sélectif serait encore plus « dés-incitatif ».
Ce conventionnement sélectif peut se justifier lorsqu’il y a un excès d’offre et de grandes disparités de répartition sur le territoire, à l’instar des infirmiers dont l’écart démographique interdépartemental est de un à sept. Or, on manque de médecins généralistes déjà partout en France, y compris dans le cœur des grandes villes, comme Paris ou Toulouse. Le manque de médecins spécialistes est aussi criant, comme le démontre les très longs délais pour obtenir un rendez-vous. Comment imaginer un mécanisme coercitif dans ces conditions ?

Que pensez-vous de la proposition d’allonger les horaires d’ouverture des médecins libéraux le soir et le week-end pour prendre en charge les urgences ?

JPO : Proposer de maintenir les cabinets ouverts le soir et les week-ends pour désengorger les urgences est une idée simpliste qui ignore totalement les modalités d’application et les problèmes tarifaires.
Alors que le moindre passage aux urgences coûte dix fois plus qu’une consultation chez un médecin généraliste. Les médecins libéraux, généralistes et spécialistes, peuvent largement assumer des urgences, à condition qu’on leur en donne les moyens.

Quelle est votre position par rapport à la rémunération à la performance ?

JPO : La rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) est un mécanisme qui existe déjà et permet de rémunérer les médecins à la performance. La CSMF souhaite que ce dispositif s’étende à toutes les spécialités médicales.
L’idée de la Cour des comptes de limiter le nombre d’actes réalisés et les prescriptions est une résurgence de lointaines propositions caricaturales de « maîtrise comptable » et de rationnement des soins ! La CSMF doute que les Français apprécient ce voyage dans le temps.

Et la formation et la recertification des médecins ?

JPO : Les médecins qui refuseraient de se soumettre à la recertification seraient déconventionnés, alors qu’on manque de médecins ! On frise le non-sens... La CSMF est favorable à un mécanisme de formation régulier, aux mains de la profession, garantissant aux patients le maintien de la compétence du médecin tout au long de sa vie professionnelle.

Au final, ce rapport vous semble-t-il un rapport déconnecté de la réalité ?

JPO : La CSMF invite les Sages de la Cour des comptes à sortir de leur mécanique comptable et à s’immerger dans la réalité, sur le terrain, pour mieux appréhender le quotidien des professionnels de santé.