Ils sont partout. Dans notre cuisine ou dans notre salle de bain, les perturbateurs endocriniens (PE) colonisent les aliments, les canettes, les conserves et les produits de beauté, comme vient de le démontrer l’enquête de l’UFC-Que choisir. Le plus connu est, à ce jour, le bisphénol A mais il en existe plus de 800. Sont-ils réellement dangereux pour notre santé ?
Le nom donne déjà un élément de réponse. « La santé, rappelle l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dépend du bon fonctionnement du système endocrinien, qui régule la sécrétion d’hormones essentielles, par exemple, au métabolisme, à la croissance, au développement et à l’humeur ».
Or, les épidémiologistes observent depuis plusieurs années une évolution de la fréquence de pathologies diverses touchant les organes de reproduction ou encore des altérations de la fertilité. Si on rapproche ce constat de la présence de plus en plus marquée de PE dans notre environnement, une relation évidente s’établit. Mais elle n’a pas valeur de preuve et les chercheurs ne se fondent pas sur des présomptions. Partout, dans le monde, des études sont conduites pour déterminer avec précision l’impact sanitaire de ces substances. Ce qui semble admis par la communauté scientifique, c’est que les CE représentent une menace pour notre santé. Voilà pourquoi.
Le mode d’action
Ces substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle peuvent perturber le fonctionnement des glandes endocrines en agissant de plusieurs façons :
Le PE peut mimer l’action d’une hormone naturelle et entraîner ainsi la réponse due à cette hormone ;
La substance peut empêcher une hormone de se fixer à son récepteur et ainsi empêcher la transmission du signal hormonal ;
Enfin, la substance peut perturber la production ou la régulation des hormones ou de leurs récepteurs.
Les effets
Une étude publiée en février, conduite conjointement par l’OMS et par le programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), « met en lumière certains liens entre l’exposition aux perturbateurs endocriniens chimiques et plusieurs problèmes de santé ». Ces substances chimiques, souligne cette étude, « peuvent notamment contribuer à la survenue de la cryptorchidie (absence d’un ou des deux testicules dans le scrotum) chez le jeune garçon, du cancer du sein chez la femme, du cancer de la prostate, de troubles du développement du système nerveux et d’un déficit de l’attention/d’une hyperactivité chez l’enfant, ainsi que du cancer de la thyroïde ».
Les PE sont soupçonnés d’avoir des effets néfastes, notamment sur la reproduction, de nuire à la fertilité ou de perturber le développement du fœtus. Dans certains pays, 40% des hommes ont un sperme de mauvaise qualité.
Les obstacles
L’augmentation observée de la survenue de ces maladies ou de ces troubles pourrait s’expliquer par l’exposition à des substances chimiques mais aussi par d’autres facteurs environnementaux, tels que l’âge et la nutrition. « Mais comme les connaissances dont on dispose sont très lacunaires, admet l’OMS, il est extrêmement difficile de déterminer exactement les causes et les effets ».
Ces incertitudes fondent l’argumentaire des industries chimiques et agro-alimentaires pour défendre les PE et s’opposer à des règlementations contraignantes.
En France, après des années de lutte acharnée, les parlementaires ont adopté une loi interdisant à partir de 2015, l’usage du bisphénol A dans les canettes, les conserves, les bouteilles plastiques. Une première étape est intervenue en janvier 2013 avec l’interdiction du BPA dans les contenants de produits alimentaires destinés aux enfants de moins de trois ans.
Mais la véritable bataille se joue au niveau européen. Les parlementaires étaient bien décidés à faire adopter par la Commission le principe de précaution pour interdire l’usage des PE. Mais l’Autorité européenne de sécurité des Aliments (EFSA) vient de doucher les ardeurs des députés. Dans un rapport remis récemment, l’EFSA conclut qu’il « n’existe pas de critère scientifique spécifique défini pour distinguer les effets nocifs potentiels ». Pour l’Agence, l’évaluation doit se faire au cas par cas. Autant dire que, à la lecture de ces conclusions, les industriels on applaudi des deux mains.
Source
Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail