Pourquoi Docteur a demandé au Dr Jean-Paul Ortiz, président du plus puissant syndicat français des médecins, la CSMF, d'analyser ces mesures proposées par la Cour des comptes, qu'il qualifie globalement de "saugrenues".
Le conventionnement sélectif
Il est voué à l’échec. Tous les pays qui ont tenté cette approche y ont renoncé et le peu de médecins qui s’installent aujourd’hui le font tardivement : un conventionnement sélectif serait encore moins incitatif. Il peut se justifier lorsqu’il y a un excès d’offre et de grandes disparités de répartition sur le territoire, à l’instar des infirmiers dont l’écart démographique interdépartemental est de un à sept. Or, on manque de médecins généralistes déjà partout en France, y compris dans le cœur des grandes villes, comme Paris ou Toulouse. Le manque de médecins spécialistes est aussi criant, comme le démontrent les très longs délais pour obtenir un rendez-vous. Comment imaginer un mécanisme coercitif dans ces conditions ?
Proposer de maintenir les cabinets ouverts le soir et le week-end pour désengorger les urgences
C'est une idée simpliste qui ignore totalement les modalités d’application et les problèmes tarifaires. Alors que le moindre passage aux urgences coûte dix fois plus qu’une consultation chez un médecin généraliste… Les médecins libéraux, généralistes et spécialistes, peuvent largement assumer des urgences, à condition qu’on leur en donne les moyens.
La rémunération sur des objectifs de santé publique (ROSP)
C'est déjà un mécanisme qui permet de rémunérer la performance. La CSMF souhaite que ce dispositif s’étende à toutes les spécialités médicales. L’idée de la Cour des comptes de limiter le nombre d’actes réalisés et les prescriptions est une résurgence de lointaines propositions caricaturales de maîtrise comptable et de rationnement des soins ! La CSMF doute que les Français apprécient ce voyage dans le passé.
La recertification
(NDR: l'obligation faite aux médecins de se soumettre à un contrôle de leurs connaissances médicales)
Les médecins qui refuseraient de s’y soumettre seraient déconventionnés, alors qu’on manque de médecins ! On frise le non-sens... La CSMF est favorable à un mécanisme régulier, aux mains de la profession, garantissant aux patients le maintien de la compétence du médecin tout au long de sa vie professionnelle.
La CSMF invite les Sages de la Cour des comptes à sortir de leur mécanique comptable et à s’immerger dans la réalité, sur le terrain, pour mieux appréhender le quotidien des professionnels de santé.