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QUESTION D'ACTU

Pétition de 400 chercheurs

Recherche animale : les scientifiques se rebiffent contre les « caricatures »

Dans une tribune, plus de 400 chercheurs et universitaires s’insurgent contre les « caricatures » de certaines associations opposées à l'expérimentation animale.

Recherche animale : les scientifiques se rebiffent contre les « caricatures » Le Rêve, du Douanier Rousseau (1910)




En 2014, l’artiste russe Andreï Kharkevitch avait inauguré une sculpture d’un genre singulier, en face d’un bâtiment de l’Académie des sciences de Novossibirsk, en Sibérie. Elle représente un rongeur tricotant un brin d’ADN tel une babouchka, d'un air empreint de tristesse et de dignité. Un hommage ironique et affectueux aux souris et rats de laboratoire sacrifiés par la science.

Il y a de quoi. Rien qu’en France, environ deux millions d’animaux sont utilisés chaque année à des fins de recherche fondamentale ou clinique, pour étudier des mécanismes physiologiques ou tester des médicaments. Ce tribut annuel est essentiellement constitué des rongeurs (pour les deux-tiers) et de poissons, mais on y trouve aussi des poules, des chiens, des chats, quelques singes… et un poulpe. Une situation que dénoncent sans relâche les associations abolitionnistes, avec des méthodes qui prennent parfois les scientifiques à rebrousse-poil.

Contre les « nouveaux prophètes »

Dans une tribune parue cette semaine dans Libération, plus de 400 chercheurs et universitaires français de premier plan, issus des principales institutions de recherche françaises (CNRS, Inserm, Pasteur, Curie…), s’appliquent à fustiger l’état du débat public en la matière. Parmi les signataires : Jules Hoffmann, immunologue et prix Nobel de médecine 2011, Margaret Buckingham, biologiste et membre de l’Académie des sciences, ou encore André-Laurent Parodi, vétérinaire et ancien président de l’Académie de médecine.

« À coup de techniques de communication très contestables (vidéos volées, puis assemblées, propos coupés et déformés, slogans diffamatoires), certains groupuscules, déguisés en lanceurs d’alerte, remettent en cause les bases de la biologie avec un aplomb sidérant », s’insurgent les auteurs de la pétition. Et les chercheurs de dénoncer les « campagnes diffamatoires » de ces « nouveaux prophètes », vantant « d’extraordinaires méthodes alternatives à l’expérimentation animale qui répondraient à toutes les questions touchant au vivant ».

Les « 3 R » : remplacer, réduire, raffiner

La tribune rappelle que la recherche animale se conforme, de façon obligatoire depuis 2013 en France, à la règle dite des « 3 R » : remplacer le modèle animal par un modèle de substitution quand c’est possible ; réduire autant que possible le nombre d’animaux utilisés ; raffiner les procédures pour diminuer la douleur ou le stress subis par les animaux.  Mais l’expérimentation animale demeure un « maillon encore indispensable », estiment les auteurs, qui alertent sur l’état du débat public et appellent à « privilégier les échanges entre communauté scientifique, associations de malades et grand public ».

Qui est dans le viseur des signataires ? Si aucun nom n’est précisé, la tribune fait immédiatement suite à une vidéo d’alerte diffusée en novembre par l’association Animal Testing, et relayée par Libération. On y voit une animalière d’un laboratoire de recherche parisien, présentée comme une lanceuse d’alerte, commenter le sort funestes de souris de laboratoire : euthanasie par dislocation cervicale ou asphyxie au CO2, exsanguination, autopsie. Les images et les commentaires instillent un doute sur le niveau de contrôle effectif de ces pratiques, très courantes et protocolisées mais peu connues du grand public.

Autre destinateur probable de la tribune : l’association Antidote Europe. En 2011, elle avait été à l’origine de l’initiative citoyenne européenne Stop Vivisection auprès de la Commission européenne, qui avait recueilli plus d’un million de signatures et réclamait d’interdire purement et simplement l’expérimentation animale. Plus récemment, elle s’est illustrée par une campagne d’affichage dans le métro parisien, encore visible en ce moment, avec le slogan « Pourquoi tester nos médicaments sur des animaux ? Nous ne sommes pas des rats de 70 kg ! ». Laissant entendre qu’il serait possible de se passer de l’expérimentation animale.

Un horizon nécessairement lointain

Si la question animale pose de plus en plus question au plan éthique, il existe un large consensus au sein de la communauté scientifique pour juger irréaliste d’espérer se passer complètement de l’animal avant plusieurs décennies au moins. La peau artificielle, utilisée en cosmétique, est souvent citée comme exemple de modèle de substitution, mais il s’agit d’un champ d’application très limité, aux enjeux de santé assez faibles. Il en va autrement de la recherche sur les mécanismes physiopathologiques des maladies ou encore du développement préclinique des médicaments.

Les biologistes commencent juste à produire in vitro des tissus biologiques convaincants (organoïdes de pancréas ou de vessie, par exemple) et sont très loin de savoir émuler, ou même comprendre, le détail des phénomènes immunitaires, nerveux, endocrines ou génétiques ayant lieu dans un organe ou un tissu complexe. Sans même parler du corps humain pris dans sa totalité. C’est la raison pour laquelle les médicaments, avant d’être testés dans des essais cliniques chez l’homme, sont systématiquement évalués chez l’animal. S’il en était besoin, l’affaire Biotrial a encore rappelé combien cette phase était essentielle, sous peine de faire courir un risque létal aux animaux… humains.

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