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Avocat

Lévothyrox : La stratégie de défense des victimes

Par Benjamin Badache

14 personnes prenant du Lévothyrox sont décédées depuis mars dernier. En cause, un changement de formule du médicament. Pourtant, aucun lien n’a été démontré scientifiquement. Me Christophe Lèguevaques, avocat de victimes, déploie sa stratégie.

JanPietruszka/Epictura

Pourquoi docteur : L’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) assure qu’aucun lien n’est établi entre les 14 décès et le Lévothyrox. Est-ce un souci pour vous ?

Me Christophe Lèguevaques : Je crois qu’il faut être prudent dans les deux sens. Le seul fait certain est le suivant : 14 personnes prenant du Lévothyrox sont décédées. Avant de déclarer que ce médicament n’y est pour rien ou qu’il est à l’origine des décès, je crois qu’il faut attendre les résultats d’une étude médico-légale indépendante et approfondie. L’ANSM nous a tellement habitués à des approximations et des mensonges que son crédit tend vers zéro. Toute conclusion hâtive est suspecte.

Plusieurs stratégies apparaissent selon les avocats : certains attaquent pour tromperie, d’autres pour défaut d’information. Comment comptez-vous agir ?

Trois grandes pistes se dégagent. D’abord, il est possible d’attaquer au pénal : c’est simple à mettre en place et il y a un bon écho dans les médias. Mais au final, les malades perdent le contrôle de la procédure au profit d’un juge d’instruction. Les démarches peuvent également être entreprises au civil. C’est plus complexe pour l’avocat car il doit présenter une démonstration argumentée en fait et en droit. Dans ce cadre, les malades restent maîtres de la procédure et la justice civile est théoriquement plus rapide. Nous avons opté pour cette option car le défaut d’informations est reconnu.

La troisième possibilité est celle des juridictions administratives ; la dimension n’est plus la même. Nous ne nous attaquons plus au laboratoire Merck, mais à l’ANSM et à l’Etat pour incompétence ou complicité. C’est une autre piste.

 

Comment affronter un laboratoire aussi puissant que Merck ? Sur quels textes de droits allez-vous vous appuyer ?

Pour affronter un laboratoire aussi puissant que Merck – disposant de cabinets d’avocats internationaux facturant 500 € de l’heure –, il faut constituer un groupe d’avocats motivés, imaginatifs et travailleurs. Avec l’action collective, nous arrivons à réunir des fonds suffisants pour faire en sorte de rivaliser. Tout le droit va être mobilisé : droit civil, droit de la responsabilité, droit de la concurrence, droit administratif et droit pénal. Nous préparons un cocktail d’actions pour faire triompher la vérité et obtenir la réparation nécessaire.

Parmi vos combats, la création d’une commission nationale d’indemnisation pour les victimes. Vous pensez qu'elle pourra voir le jour rapidement ?

J’ai proposé sa création le 25 septembre 2017. Depuis, ni la ministre de la santé ni Merck n’ont daigné y répondre. C’est dommage, car en Israël, dans une affaire concernant un changement d’excipient du Lévothyrox, ils viennent de conclure un accord amiable après une phase judiciaire. Tout est encore possible, c’est pour cela que j’appelle à une mobilisation forte des malades : plus ils seront nombreux, plus il sera difficile d’éviter de leur répondre.